L’Afrique a besoin de nouveaux partenariats ainsi que d’ambitions et de politiques plus audacieuses pour promouvoir l’action climatique et la durabilité environnementale
D’ici à 2030, les changements climatiques pourraient entraîner une perte de produit intérieur brut de 15 % pour l’Afrique. La conséquence serait que 100 millions de personnes supplémentaires vivraient dans l’extrême pauvreté avant la fin de la décennie. Ce scénario est particulièrement injuste, car l’Afrique n’a qu’une faible part de responsabilité dans le dérèglement du climat.
La sixième session de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE-6) se tient à Nairobi, au Kenya, du 26 février au 1er mars. L’ANUE-6 est la première grande réunion des Nations unies depuis la COP 28, la conférence sur le climat qui s’est tenue à Dubaï en décembre dernier, où 195 pays ont accepté d’abandonner progressivement les combustibles fossiles et ont créé le fonds pour les pertes et préjudices pour dédommager les pays en développement affectés par les effets des changements climatiques.
La durabilité environnementale est essentielle pour relever ce défi mondial. L’ANUE-6 jette des ponts entre l’action climatique et d’autres priorités environnementales en mettant l’accent sur des actions multilatérales efficaces, inclusives et durables pour lutter contre les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution.
Dans les pays en développement, les pressions croissantes sur les finances publiques, les contraintes en matière de soutenabilité de la dette et les risques perçus freinent les investissements écologiques. Les risques sont nombreux, allant de l’instabilité politique à la faiblesse des politiques ou des réglementations, en passant par la mauvaise santé des marchés financiers locaux, les risques au niveau des projets, le coût important du capital et les taux d’intérêt élevés.
Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique ne reçoit actuellement que 3 % des flux mondiaux de financements en faveur du climat. Face à la pénurie de financements publics, les partenariats public-privé ont pour rôle de mobiliser des financements climatiques à grande échelle. Les banques multilatérales de développement, à l’instar de la Banque européenne d’investissement, opèrent sur différents marchés en proposant des solutions innovantes qui réduisent les risques et attirent les capitaux privés. À la COP 28, les banques multilatérales sont convenues d’intensifier leur coopération afin d’aider les pays et le secteur privé à accélérer leur transition écologique et juste ainsi qu’à renforcer leur résilience.
La Banque européenne d’investissement (BEI) est l’institution de financement de l’Union européenne (UE). L’une des plus grandes institutions financières multilatérales au monde, la BEI est aussi l’un des principaux bailleurs de fonds pour le financement de l’action en faveur du climat. Elle est un partenaire solide du continent africain depuis plus de 55 ans. Par l’intermédiaire de BEI Monde, sa branche dédiée au développement, elle consolide sa présence sur ce continent et mobilise des capitaux privés pour financer des écotechnologies innovantes, comme l’hydrogène vert. Elle mettra cette expérience à profit pour établir de nouveaux partenariats afin de mobiliser des financements privés à l’appui de projets écologiques.
Au cours de la dernière décennie, la BEI a fourni plus de 32 milliards d’euros pour des investissements dans les énergies vertes, l’eau, l’aménagement urbain, l’éducation, l’agriculture, les télécommunications, la santé et les entreprises dans 40 pays sur tout le continent.
Parmi les opérations réalisées figurent notamment : un investissement de 10 millions d’euros au Bénin en 2022, qui alimente 600 000 personnes en énergie solaire à faible émission de carbone ; un investissement de 12,5 millions d’euros dans ENGIE en Ouganda, qui a permis à 1,4 million de personnes d’accéder à une énergie solaire hors réseau fiable et abordable ; un investissement de 10 millions d’euros à Madagascar qui a aidé WeLight à fournir de l’énergie solaire à 45 000 foyers.
Le capital-investissement apparaît comme un outil puissant pour soutenir une croissance économique plus verte. Les fonds de capital-investissement fournissent les liquidités et les rendements nécessaires, tout en gérant efficacement les risques associés aux investissements climatiques comme les énergies renouvelables, les crédits carbone et le crédit biodiversité. L’injection de capital dans des infrastructures à l’épreuve des changements climatiques permet d’accélérer considérablement les progrès et de nous conduire ainsi sur la voie d’un avenir durable et climato-résilient.
L’année dernière, la BEI a investi plus de 350 millions d’euros dans des fonds de participation opérant sur tout le continent africain. Cela porte à près de 3 milliards d’euros le volume total d’investissement dans des fonds, dont les financements (sous forme d’apports de fonds propres ou de prêts) vont à plus de 2 000 bénéficiaires. La majorité de ces investissements ont été consacrés aux secteurs de l’action pour le climat et de la durabilité environnementale.
Citons par exemple le fonds Mirova Gigaton, qui a reçu le soutien de la BEI au fil des ans et dont le dernier financement en date, cette année, d’un montant de 75 millions de dollars, permettra d’accélérer l’accès aux énergies propres et l’action en faveur du climat dans les marchés émergents. La BEI a également signé un accord pour un concours de 40 millions de dollars avec Acre Export Finance Fund I lors du Sommet africain sur le climat, qui s’est tenu à Nairobi l’année dernière, pour des investissements dans les infrastructures climatiques dans toute l’Afrique.
Une autre approche efficace pour soutenir le secteur privé a été l’octroi de prêts intermédiés à l’appui d’investissements en phase précoce visant l’adaptation aux changements climatiques. Ces prêts sont déployés en collaboration avec les institutions financières locales : la BEI leur accorde des lignes de crédit à des conditions avantageuses, et elles prêtent ensuite ces ressources aux particuliers ou aux petites entreprises. Au cours des cinq dernières années, les prêts intermédiés ont été le principal instrument de financement utilisé par la BEI en Afrique, où un grand nombre de prêts modestes ont ainsi pu être accordés pour soutenir les entreprises privées.
Un modèle de ce type de financement a été présenté lors de la COP 28 : la BEI et la Banque de Kigali y ont annoncé qu’elles mettraient à disposition 100 millions d’euros dans le cadre d’une initiative de financement de l’agriculture durable destinée à soutenir des milliers d’agriculteurs et d’exploitations agricoles au Rwanda. Cette initiative leur permettra de mieux résister aux impacts économiques, sociaux et commerciaux des changements climatiques.
L’année dernière, la BEI a annoncé qu’elle proposerait des clauses de résilience climatique dans ses contrats de prêt, pour permettre aux pays en développement de suspendre leurs remboursements d’emprunts s’ils sont touchés par une catastrophe naturelle. Tous ces efforts, actuellement en phase pilote, visent à alléger le fardeau de la dette des pays vulnérables, à favoriser une plus grande soutenabilité de la dette et à accroître les financements verts.
Le monde a besoin de nouveaux partenariats et d’ambitions et de politiques plus audacieuses pour promouvoir l’action climatique et la durabilité environnementale. La BEI est prête à établir de nouveaux partenariats dans toute l’Afrique afin d’accélérer les investissements qui profitent aux populations et à la planète.
Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI, supervise les opérations de financement à l’appui de projets environnementaux, de l’action pour le climat et de l’économie circulaire, ainsi que les relations avec les autres banques multilatérales de développement.