Petit Papa Noël, n’oublie pas... l’électricité !
Nous étions en 2011 quand, soudain, Juha Sulkanen s’est retrouvé privé d’électricité pendant toute une journée. « L’hiver était très chaud cette année-là si bien que le sol n’était pas gelé. Puis, tout à coup, de violentes rafales se sont élevées et le vent a tout bonnement arraché des arbres du sol meuble, entraînant dans leur chute des câbles électriques aériens », se souvient Juha Sulkanen, chargé de prêts à la Banque européenne d’investissement pour les opérations de financement sur projet en Finlande. « Nous avons dû utiliser un poêle à bois pour réchauffer les restes de notre dîner de Noël. »
Toutefois, il était loin d’être le seul dans cette situation. Au total, jusqu’à 300 000 foyers ont été privés d’électricité dans le sud de la Finlande à la suite du passage de la tempête Tapani. Cette tempête (aussi connue sous les noms de Patrick et de Dagmar dans d’autres pays) a causé de nombreux dégâts en Norvège, en Suède, en Estonie et en Russie. Elle a mis à terre tellement d’arbres que la Deutsche Bank a estimé que le prix du bois baisserait de 15 %.
Par conséquent, lorsque Juha Sulkanen a commencé à travailler sur un accord de financement visant à améliorer la résistance des lignes électriques avec Caruna, le gestionnaire du réseau de distribution, il s’agissait également d’une affaire personnelle.
Adapter les lignes électriques aux changements climatiques
C’est un gestionnaire du réseau de distribution qui s’appelle désormais Caruna qui a été le plus durement touché par la tempête. Cette société a dû débourser 20 millions d’EUR aux fins des réparations et verser 29 millions aux abonnés à titre d’indemnisation – sans mentionner les quelque 200 millions d’EUR que représente le coût de l’énergie qui n’a pas été fournie, explique Bengt Söderlund, responsable des questions réglementaires chez Caruna.
La tempête Tapani est devenue un exemple patent des événements météorologiques extrêmes provoqués par les changements climatiques. Elle a incité les pouvoirs publics à examiner les moyens d’adapter diverses infrastructures à ces bouleversements. « Il faisait bien plus chaud que d’ordinaire à cette époque de l’année, avec des températures allant jusqu’à +9° C. Comme le sol n’était pas gelé, les forêts littorales ont subi de lourds dommages », indique Bengt Söderlund. « Les coupures de courant ont suscité de vifs débats dans les médias et entre les responsables politiques. »
En ce qui concerne les systèmes de distribution d’électricité, ces débats ont conduit à l’adoption d’une nouvelle loi prévoyant des incitations aux investissements en faveur de la fiabilité des réseaux. Les indemnités directes octroyées aux abonnés en cas de coupure de plus de 12 heures ont été revues à la hausse et des obligations plus strictes ont été imposées aux entreprises concernant l’information des clients. D’ici à 2028, la durée des coupures ne devra plus dépasser 6 heures dans les zones urbaines et 36 heures dans les zones rurales. Par ailleurs, ces investissements forcés ont aussi été pris en compte lorsque les autorités nationales ont déterminé le juste prix de la distribution d'électricité facturé aux abonnés, ce qui a donné lieu à des critiques. Pour autant, les autorités n’ont pas faibli dans leur ambition de renforcer la fiabilité du réseau, poursuit Bengt Söderlund.
En 2014 et 2015, Caruna a mené des opérations de défrichage le long de quelque 4 100 km de lignes aériennes, de sorte à réduire le risque de chute d’arbres sur les lignes en question. Grâce au prêt de la BEI de 200 millions d’EUR signé en décembre, Caruna continuera maintenant à accélérer l’enfouissement des câbles.
Améliorer le réseau pour les énergies renouvelables
Chez le voisin suédois, la BEI a signé, en février, un prêt de 250 millions d’EUR pour un plan d’investissement similaire avec le gestionnaire du réseau de distribution Ellevio. La Suède a également été frappée par la tempête Patrick. Le trafic ferroviaire vers le nord a été interrompu le jour de Noël. Sur un tronçon, le vent a soufflé tellement fort qu’il a tracté 16 wagons pesant 313 tonnes sur 500 mètres, jusqu’à ce qu’ils déraillent. Heureusement, personne n’a été blessé.
Cependant, en Suède, une nouvelle réglementation avait été mise en place et le coup de fouet aux investissements destinés à sécuriser les réseaux contre les aléas météorologiques avait été donné plus tôt – après le passage, en 2005, d’une puissante tempête hivernale nommée Gudrun. Depuis janvier 2011, aucune coupure de plus de 24 heures n’est autorisée. Pour Ellevio, les nouveaux investissements visent notamment à poursuivre la sécurisation contre les perturbations liées aux intempéries, mais aussi à améliorer la sécurité de l’approvisionnement via le renouvellement d’équipements vieillissants et l’augmentation de la capacité, en priorité dans la capitale Stockholm pour répondre aux besoins découlant de la croissance rapide de la ville. L’une des priorités consiste à préparer les réseaux à recevoir plus d’énergies renouvelables et à faciliter l’utilisation du réseau pour les bornes de recharge des moyens de transport électriques. Le prêt accordé à Ellevio relève du portefeuille relatif au Plan d'investissement pour l'Europe, en partie garanti par la Commission européenne.
« La sécurité de l'approvisionnement bénéficie d’incitations de la part de l’autorité de régulation. Les exploitants du réseau sont de plus en plus sanctionnés en cas de coupures dépassant un certain nombre d’heures. Toutefois, le chiffre d'affaires autorisé, autrement dit ce que les exploitants ont le droit de facturer aux abonnés, est calculé en tenant compte de la base d’actifs, à savoir les investissements dans les réseaux », explique Joakim Palmgren, chargé de prêts à la BEI pour les opérations de financement sur projet en Suède.
Puisqu’il permet d’acheminer davantage d’énergies renouvelables vers les foyers et de faciliter la vie des propriétaires de véhicules à émissions de CO2 nulles, cet investissement pourrait même contribuer à limiter l’incidence de notre consommation d’énergie sur le climat. Et avec l’enfouissement des câbles, qui seront à l’abri des chutes d’arbres, les Finlandais et les Suédois, en plus de s’acquitter de leur part du travail pour notre planète qu’ils aiment tant, verront aussi augmenter leurs chances de pouvoir rentrer chez eux en train à Noël et de déguster leurs « Piparkakut » ou « Pepparkakor » (des biscuits aux épices de Noël respectivement en finnois et en suédois). Il est terriblement difficile d’en cuire quand le four électrique est inutilisable et qu’il faut se servir d’un poêle à bois comme Juha il y a cinq ans.