Le principal aéroport d’Estonie se modernise pour faire face à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes et atténuer les effets environnementaux du dégivrage massif qu'il doit assurer.

Chaque hiver, à Tallinn, les chutes de neige atteignent environ cinquante centimètres par mois. Le record de la température hivernale est de -32,2°C. Les changements climatiques rendent la météo de la capitale estonienne, située à la même latitude que Saint-Pétersbourg et Stockholm, de plus en plus imprévisible. Cette année, la neige est arrivée tôt dans la saison. « À l’aéroport de Tallinn, il en faut beaucoup pour nous surprendre. Mais de la neige en octobre ? Ça c’est une vraie surprise » déclare, songeur, Einari Bambus, le directeur des opérations de l’aéroport. Au début décembre de cette année, des tonnes de neige avaient déjà été déversées dans des décharges situées à proximité des pistes. Souvent, cette neige n’a pas encore complètement fondu au beau milieu de l’été.

Ainsi, lorsqu’on attend de décoller dans l’aéroport de la capitale estonienne, on peut se poser la question suivante : les avions ont-ils besoin de pneus hiver ?

Sucre, sel et autres produits de dégivrage

« Généralement, les gens pensent que plus il fait froid, plus nous devons dégivrer et déneiger. Ce n’est pas le cas », explique Bambus, qui fait également partie du conseil d’administration de l’aéroport de Tallinn. « Pour les avions, les conditions climatiques les plus difficiles interviennent lorsqu’il y a beaucoup d’humidité et que la température s’établit juste en dessous du point de congélation, entre 0 et -5°C. »


Une jeune fille sur le campus de Greensteds

Chasse-neige dégageant la piste de l’aéroport de Tallinn en janvier 2016.

De telles conditions sont monnaie courante dans la ville côtière de Tallinn. L’aéroport doit donc recourir à de grandes quantités de produits chimiques pour lutter contre le verglas et la neige. La modernisation du réseau de drainage permettant de capter les produits chimiques contenus dans les pastilles et liquides de dégivrage, la création d'une nouvelle zone de décharge pour la neige et le remplacement du système d’éclairage côté piste par des lampes à LED qui ne chauffent pas (et donc favorisent la formation de davantage de glace sur la piste) s’inscrivent dans le cadre du projet de modernisation de 80 millions d’EUR que l’aéroport est en train de mettre en œuvre. La Banque européenne d’investissement a accordé un prêt de 30 millions d’EUR pour le financement de ce projet de modernisation. Il est garanti par le Fonds européen pour les investissements stratégiques qui s’appuie sur une contribution de la Banque et sur la garantie du budget de l’UE dans le cadre du Plan d'investissement pour l'Europe.

Bien qu’il soit utilisé depuis longtemps pour dégeler les routes et les trottoirs, le sel favorise la corrosion des avions. Ainsi, et cela peut paraître surprenant, des liquides sucrés – ou plutôt des produits dérivés de la transformation de betteraves sucrières – sont vaporisés sur les avions avant le décollage de manière à ce que les éléments mobiles ne gèlent pas lorsque l’appareil s’élève dans de l’air encore plus froid.

Et en plus, il n’est pas nécessaire de gratter les vitres !

Il est possible de traverser l’hiver avec seulement quelques litres de liquide antigel pour le pare-brise de notre voiture, sans compter les heures, qui s’accumulent rapidement, que ceux d’entre nous sans garage passons à gratter les vitres de notre véhicule chaque matin. Mais il faut facilement 300 litres de solution de dégivrage pour traiter un seul avion.

Ensuite, c’est une course contre la montre.

Le liquide de dégivrage a pour effet d’abaisser le point de congélation de l’eau. En fonction de la quantité utilisée, ses effets ne durent que 10 à 15 minutes. À l’aéroport de Tallinn, en cas de vent d’ouest, il faut souvent 5 à 7 minutes pour qu’un avion atteigne le seuil de piste. Si son décollage est retardé par un autre appareil lui-même en retard, la formation de givre peut devenir problématique. Il faut alors à nouveau dégivrer l’avion. C’est un processus coûteux qui a des répercussions sur l’environnement.

C’est pourquoi la modernisation prévue de l’aéroport porte également sur la capacité à procéder au dégivrage juste avant la piste et non plus à la porte d’embarquement.

« Il est essentiel qu'un aéroport septentrional comme celui de Tallinn mette en œuvre les meilleures technologies disponibles pour collecter et traiter la majorité des liquides de dégivrage des avions », déclare Elena Campelo, ingénieur à la division Transports aériens, maritimes et innovants de la BEI. « Ce faisant, les responsables de l’aéroport contribueront à une protection adéquate des nappes phréatiques contre l’infiltration de neige fondante et de produits de dégivrage et ils favoriseront le traitement et le suivi de cette eau. »

Parmi les autres investissements figurent la reconstruction de la piste existante, l’agrandissement du terminal passagers et le renouvellement des équipements de sauvetage et de lutte contre les incendies.

Ce projet vise à renforcer la sécurité et les performances environnementales, à diminuer la congestion actuelle au point d’entrée principal de l’Estonie et à répondre à la future augmentation du trafic. « Il permettra d’accueillir 3,4 millions de passagers par an, contre 2,2 millions actuellement », explique Thomas Schmidt, chargé de prêt de la BEI pour l’Estonie.

Généralement, plus il y a de passagers, plus il faut d'avions. L’aéroport doit donc s’assurer d’être en mesure d’éliminer la neige et le givre aussi efficacement que possible, et dans le respect de considérations environnementales, pour permettre des opérations de décollage et d’atterrissage ininterrompues.