Les investissements en quasi-fonds propres sont un outil important dans l’action menée par la BEI aux fins du Plan d’investissement pour l’Europe
Première problématique : les entreprises veulent réduire leur empreinte carbone et aspirent par conséquent à produire leur propre énergie renouvelable. Mais l’espace est restreint dans les quartiers d’affaires des grandes villes : impossible d’installer un parc éolien à l’extérieur de la gare de Liverpool Street, ou un parc solaire à La Défense.
La solution : une entreprise issue de l’Université technique de Dresde, Heliatek, a conçu un film destiné à couvrir les façades verticales des bâtiments afin de produire de l’électricité en transformant la lumière en énergie.
Seconde problématique : financer cette technologie.
La solution : un investissement en quasi-fonds propres de 20 millions d’EUR de la Banque européenne d’investissement.
Cela n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Les experts financiers de la BEI ont réfléchi pendant plusieurs années à la structure à adopter pour fournir des fonds à de nouvelles entreprises innovantes, l’idée étant que ces dernières n’aient pas à se concentrer davantage sur le remboursement de leurs dettes que sur l’expansion de leur activité.
Les quasi-fonds propres font partie de la panoplie d’instruments de la BEI depuis quelques années, mais ils n’étaient jusqu’ici que peu utilisés. Avec l’arrivée du Plan d’investissement pour l’Europe, ils sont devenus un élément central de l’action engagée par la Banque pour renforcer les investissements à plus haut risque dans des entreprises qui auparavant n’auraient pas été admissibles à un financement BEI.
« Nous commençons à traiter des petits projets présentant un risque relativement élevé et qui sont particulièrement innovants », affirme Adrian Kamenitzer, directeur du département Fonds propres, nouveaux produits et transactions spéciales de la BEI. « Cela signifie que la BEI doit évoluer pour s’adapter à ces nouveaux types d’opérations, afin que tout leur potentiel soit valorisé. »
Des opérations d’apports de quasi-fonds propres soutenues par le FEIS
Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) – un pilier du Plan d’investissement pour l’Europe – a été mis en place pour soutenir l’activité de financement à l’appui des entreprises innovantes, à l’heure où les banques commerciales tendent à considérer que ces entreprises représentent un trop grand risque parce qu’elles n’ont pas fait leurs preuves. Or il est important pour l’Europe que de nouvelles idées puissent se développer. Ce domaine est certes nouveau pour la BEI, mais il s’inscrit dans le droit fil de la mission qu’elle a toujours exercée de combler les lacunes du marché.
Les opérations à risque comparativement élevé relèvent des « activités spéciales » dans l’organisation de la BEI. La Banque entend renforcer les activités spéciales en 2017, dans le cadre de la rationalisation des procédures qui sous-tendent les opérations d’apports de quasi-fonds propres ainsi que d’autres nouveaux outils. La division Capital de croissance et financement de l’innovation de la BEI comptabilise d’ores et déjà 1 000 demandes de financement de la part d’entreprises innovantes et prévoit d’engager 1 milliard d’EUR dans des opérations de ce type d’ici mi-2018.
« Le contexte est très positif », affirme Hristo Stoykov, qui est à la tête de cette division. « Nous travaillons avec de nouveaux clients qui n’auraient auparavant pas obtenu un prêt de la BEI. Nous travaillons avec des entreprises innovantes. Et les instruments de quasi-fonds propres y sont pour beaucoup. »
Comment fonctionnent les instruments de quasi-fonds propres ?
Les instruments de quasi-fonds propres sont un produit de la BEI sans équivalent sur le marché. Ils visent à combler les lacunes du marché qui touchent près de 2 500 entreprises européennes de taille moyenne, avec des besoins de financement compris entre 10 millions d’EUR et 17 millions d’EUR. Voici comment cela fonctionne.
La BEI accorde un prêt à long terme à une entreprise innovante. Un remboursement régulier du prêt absorberait des ressources que l’entreprise devrait consacrer à la recherche et au développement. Un investissement en fonds propres diluerait quant à lui la responsabilité du risque de financement durant les premières années de développement.
Le recours à des instruments de quasi-fonds propres permet en revanche de mettre à disposition du capital-risque sans effet de dilution, l’apport étant rémunéré sur la base des résultats de l’entreprise, tout comme l’est un investissement en fonds propres.
Les premières opérations faisant intervenir des instruments de quasi-fonds propres
La mise au point de ce produit a pris du temps. Hristo Stoykov et ses collègues de la BEI ont dû créer de nouveaux documents et contrats et faire évoluer les relations entre différentes directions au sein de la Banque. Les instances dirigeantes de la Banque ont approuvé une stratégie « fonds propres » entièrement nouvelle pour les opérations effectuées au titre du FEIS.
Certaines des premières opérations d’apports de quasi-fonds propres donnent un aperçu du profil des entreprises ayant besoin de ce type de financement.
- Archos – La société d’électronique française a obtenu 12 millions d’EUR pour développer un réseau pour l’« internet des objets »
- Canatu – Une opération de 12 millions d’EUR pour financer le développement d’écrans souples par l’entreprise finlandaise
- Ultimaker – 15 millions d’EUR pour les activités de R-D d’un fabricant néerlandais d’imprimantes 3D
Jusqu’ici, la plupart des opérations d’apports de quasi-fonds propres étaient effectuées dans le cadre de programmes de la BEI comme InnovFin – Financement de la croissance des ETI. De plus en plus, les instruments de quasi-fonds propres vont devenir un élément important dans les opérations relevant du FEIS, ce qui permettra également à la Banque d’augmenter la taille de ses investissements grâce à la garantie apportée par le FEIS.
La première opération d’apport de quasi-fonds propres au titre du FEIS
La première opération d’apport de quasi-fonds propres au titre du FEIS a été réalisée en 2016, ce dans une région d’Europe où la BEI joue un rôle de premier plan : la Grèce. Elle ne concernait ni la connexion d’un réfrigérateur à l’internet, ni la mise au point d’un écran susceptible d’être intégré dans la manche et adapté à votre bras. Elle concernait la production de saucisses.
Creta Farms, l’une des plus grandes entreprises de charcuterie en Grèce, consacre cinq fois plus de temps que ses concurrentes à innover pour rendre les produits carnés meilleurs pour la santé et a déposé 20 brevets au cours des cinq dernières années. L’inventivité de l’entreprise se concentre sur une technologie exclusive complexe qui consiste à retirer les graisses animales saturées de la viande pour injecter, à la place, de l’huile d’olive extra vierge, riche en graisses insaturées. Cette méthode, qui permet de faire baisser le « mauvais » cholestérol, donne une viande plus saine, mais tout aussi savoureuse.
« En mangeant cette viande, on se régale sans trop culpabiliser », explique Konstantinos Frouzis, directeur général de la société implantée à Réthymnon, en Crète. « C’est de la gourmandise saine. »
Des instruments de quasi-fonds propres pour soutenir la Grèce
L’apport de 15 millions d’EUR de quasi-fonds propres à Creta Farms permet à l’entreprise de financer la poursuite de son expansion sur les marchés internationaux ainsi que ses travaux de R-D en vue de l’introduction de sa technique d’apport d’huile d’olive (ou « oliving ») sur le marché mondial des en-cas.
« Les investisseurs sont très dubitatifs face à la Grèce en ce moment, mais cette opération montre que les entreprises grecques peuvent reposer sur des bases très solides », affirme Konstantinos Frouzis.
Prévisions 2017 pour les instruments de quasi-fonds propres
Creta Farms représente l’une de 23 opérations d’apports de quasi-fonds propres menées à bien en 2016. Hristo Stoykov prévoit 40 opérations de ce type en 2017. Le FEIS permettra à son équipe de porter la taille des opérations à 50 millions d’EUR, ce qui est suffisant pour pouvoir soutenir la R-D dans des entreprises plus grandes également.
Dans le cadre du FEIS – un pilier du Plan d’investissement pour l’Europe –, les fonds de la BEI et la garantie du budget de l’UE sont utilisés dans des opérations qui, sans un tel appui, n’auraient pas été financées par la BEI de la même manière.. Le niveau relativement élevé du risque lié aux entreprises innovantes et la rémunération de ces nouvelles opérations, qui est similaire à celle des fonds propres, donnent une réponse claire à cette question d’« additionnalité ».
Hristo Stoykov fait remarquer que, bien entendu, cela signifie que certains prêts en quasi-fonds propres ne seront pas rentables. « Si nous n’avions sélectionné que des gagnants, tout le monde aurait misé sur eux », affirme-t-il. « D’un point de vue stratégique, ce sont de bons investissements. Le risque vaut la peine d’être pris. »