- L’Europe perd du terrain face aux États-Unis et à de nouveaux concurrents privés, les chefs de file technologiques de l’UE étant confrontés à un manque de capitaux privés.
- L’Europe doit mobiliser des investissements privés et tirer parti de ses antécédents dans le domaine spatial et de son leadership technologique.
- Le lancement d’un forum intitulé « Finance for space » (des financements pour l’espace) pourrait contribuer à mettre au point de nouvelles solutions de financement.
Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI) et Elżbieta Bieńkowska, commissaire européenne chargée du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME ont saisi l’occasion de la 11e conférence sur la politique spatiale européenne pour présenter un nouveau rapport sur l’avenir du secteur spatial européen, intitulé « The Future of the European Space Sector ». Préparé par les Services de conseil d’InnovFin et la Plateforme européenne de conseil en investissement, initiatives conjointes de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement établies respectivement au titre d’Horizon 2020 et du Plan d'investissement pour l'Europe, ce rapport évalue le contexte actuel en matière d’investissements dans le secteur spatial, repère des lacunes de financement et formule des recommandations et des solutions essentielles visant à améliorer la situation.
« Le dernier rapport en date de la BEI sur le financement des avancées technologiques met en avant les éléments « de rupture » qui transforment le secteur spatial et remettent en question les anciens comme les nouveaux intervenants. Il donne un bon aperçu de la façon dont les dispositifs actuels de soutien financier public, aux niveaux national et européen, peuvent permettre d’attirer des capitaux privés, plus qu’indispensables », a déclaré Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI chargé de l’innovation.
« L’accès aux financements reste un obstacle majeur à la libération du potentiel des entrepreneurs spatiaux européens à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe. Dans la stratégie spatiale pour l’Europe, de 2016, la Commission a donc déterminé que les financements seraient un domaine stratégique. Et nous avons effectivement accordé une attention particulière aux financements, dans le programme spatial de l’UE, pour la prochaine période budgétaire de 2021 à 2027. Le programme spatial de l’UE, en synergie avec Horizon Europe et InvestEU, ouvrira la voie à un ensemble cohérent et intégré d’instruments de financement consacrés aux entreprises spatiales en Europe. Nous devons œuvrer en douceur pour passer des idées au développement des activités, afin de renforcer l’écosystème spatial. Les enseignements du rapport de ce jour nous aideront à concevoir et à déployer des financements intelligents visant à stimuler davantage d’investissements en faveur de l’espace, en Europe. Il s'agit d'une contribution essentielle à une approche européenne de l’espace vu sous un angle nouveau » a souligné Elżbieta Bieńkowska, la commissaire européenne.
La finance et le secteur spatial européen
Le rapport montre que le secteur spatial européen est confronté à des difficultés de financement comparables à celles d’autres secteurs technologiques, en particulier en phase de croissance et de commercialisation. Les entrepreneurs spatiaux européens recherchent des financements, notamment pour leur R-D et la mise au point de produits, et préfèrent être financés par du capital‑risque ou du capital‑investissement . Toutefois, ils ont l’impression que ce type de source de financement fait défaut compte tenu du nombre limité de fonds européens consacrés à l’espace. Par conséquent, ils gardent un œil sur des possibilités de financement à l’extérieur de l’UE. Notons qu’aux États-Unis les levées de fonds sont supérieures et que les investisseurs, dont la propension au risque est plus élevée, séduisent les entreprises européennes. La pénurie de financements destinés à soutenir l’expansion de ce secteur en Europe est une situation critique qui se traduit souvent par une fuite des talents et des entreprises.
Comparé au secteur privé, le contexte des financements du secteur public européen est relativement solide. Les entreprises spatiales européennes soulignent le rôle fondamental joué par les instruments publics en faveur de l’innovation. Quelque 40 % des entreprises examinées dans ce rapport recherchent des financements publics pour mobiliser des investissements privés. Toutefois, les entrepreneurs peinent à s’y retrouver face aux différentes options de financement disponibles, car il n’existe pas d’offre intégrée et cohérente d’instruments de financement consacrés aux entreprises spatiales.
Le rapport conclut que, globalement, le contexte des investissements en Europe n’est pas optimal et qu’il complique la commercialisation des technologies spatiales, sans permettre de tirer parti des investissements effectués en R-D.
Consultez ici le rapport dans son intégralité.
Principales recommandations pour stimuler le secteur spatial européen
Le rapport préconise de consolider l’écosystème spatial en Europe en rendant les soutiens publics plus flexibles et davantage orientés vers la commercialisation. Par conséquent, les institutions de l’UE devraient s’efforcer de faciliter l’accès au capital‑risque et la mobilisation d’investissements privés supplémentaires, en s’appuyant sur l’expérience acquise avec le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui a permis de mobiliser plus de 370 milliards d’investissements à l’appui de projets stratégiques et innovants en Europe depuis trois ans et demi.
Le rapport recommande en outre d’organiser un forum intitulé « Finance for space » (des financements pour l’espace) autour de représentants des milieux financiers, universitaires, politiques et industriels afin de mettre au point des solutions innovantes, car les connaissances financières du secteur spatial sont insuffisantes, tout comme le sont les connaissances spatiales du secteur financier. La tenue régulière d’un forum pourrait aider à combler le manque d’information en réunissant des parties prenantes clés, en mettant en évidence des besoins financiers particuliers et en accueillant des discussions sur de nouveaux modèles de financement et solutions de cofinancement et sur leur mise au point éventuelle.
Pourquoi l’espace est-il important ?
L’économie spatiale mondiale a atteint 309 milliards d’EUR en 2017, après avoir progressé de 6,7% par an en moyenne entre 2005 et 2017. C’est presque deux fois plus que la croissance annuelle moyenne de l’économie mondiale (3,5 %). L’un des éléments ayant contribué à cette croissance a été le phénomène « NewSpace », une série d’innovations technologiques et d'évolutions du modèle économique ayant entraîné une réduction importante des coûts et la mise à disposition de nouveaux produits et services qui ont élargi la clientèle existante.
D’un point de vue historique, l’Europe est à l’avant-garde de l’exploration spatiale. Elle investit massivement dans des infrastructures spatiales telles que les programmes Copernicus et Galileo. Elle peut toujours se targuer de son excellence universitaire et scientifique mais, comme le souligne le rapport de la BEI, elle risque de passer à côté de la prochaine vague d’innovations spatiales si elle ne saisit pas l’occasion d’encourager davantage les investissements dans le nouveau secteur spatial.
Ce ne sont toutefois pas uniquement des taux de croissance élevés qui priment. Jusqu’à présent, le secteur spatial européen a permis d’améliorer le quotidien de nombreuses façons :
- réponse à des catastrophes naturelles : en 2017, les cartes de Copernicus montrant l’étendue et l’ampleur des dégâts ont aidé les équipes de sauvetage à faire face, notamment, à des feux de forêt (en Italie, en Espagne, en Grèce et au Portugal), à des séismes (au Mexique), à des ouragans (dans les pays frappés par les ouragans Harvey, Irma et Maria) et à des inondations (en Irlande et en Allemagne) ;
- sauvetage en mer : Copernicus appuie l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes en Méditerranée dans ses missions, en l’aidant à identifier des embarcations peu sûres et à sauver des personnes. Galileo peut être utilisé sur tous les navires marchands dans le monde entier et leur offre une plus grande précision et un positionnement plus fiable pour une navigation plus sûre ;
- recherche et sauvetage : un nouveau service Galileo réduit à moins de 10 minutes le temps nécessaire pour détecter une personne équipée d’une balise de détresse dans divers lieux, comme la mer, la montagne, le désert et des environnements urbains ;
- surveillance des déversements d’hydrocarbures : l’agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) utilise les données de Copernicus pour surveiller les déversements d’hydrocarbures et les navires ;
- atterrissage d’avions : 350 aéroports dans presque tous les pays de l’UE utilisent actuellement le système EGNOS, qui sécurise les atterrissages dans des conditions météorologiques difficiles, évitant ainsi des retards et des déroutements ;
- sécurité routière : depuis avril 2018, Galileo est intégré à tous les nouveaux modèles automobiles vendus en Europe et compatible avec le système embarqué eCall d’appels d’urgence. À compter de 2019, il est intégré dans les tachygraphes numériques des poids-lourds pour garantir le respect des règles relatives aux temps de conduite et renforcer la sécurité des routes.
- agriculture : 80 % des agriculteurs qui s’appuient sur la navigation satellite pour une agriculture de précision utilisent le système EGNOS. Et les données recueillies par Copernicus sont utilisées pour le suivi des cultures et les prévisions de récoltes.
Informations générales
Dans le cadre de l’initiative Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’UE pour 2014‑2020, la Commission européenne et le Groupe BEI (Banque et FEI) ont lancé une nouvelle génération d’instruments financiers et de services de conseil qui doivent faciliter l’accès au crédit pour les entreprises innovantes. Le dispositif InnovFin – Financement européen de l’innovation propose une série de produits sur mesure visant à mettre à disposition plus de 15 milliards d’EUR de financements à l’appui de projets de recherche et d’innovation (R-I) menés par des entreprises de petite, moyenne et grande taille et par les promoteurs d’infrastructures de recherche. Ces financements devraient permettre de mobiliser, au total, jusqu’à 48 milliards d’EUR d’investissements en R-I.
Le volet Services de conseil du dispositif InnovFin, né de l’initiative conjointe de la BEI et de la Commission européenne dans le cadre de la stratégie Horizon 2020, est destiné à renforcer la bancabilité et l’opportunité d’investissement de projets qui nécessitent d’importants investissements à long terme. Il fournit également des conseils visant à améliorer les conditions d’accès aux financements à risque pour la R-I et contribue à la mise en place de plateformes d’investissement thématiques. Parmi les principaux clients potentiels figurent des promoteurs de projets de R-I axés sur les enjeux sociétaux du programme Horizon 2020. Les Services de conseil d’InnovFin s’appuient sur un grand portefeuille d’activités transversales et une solide expérience en matière de conseil aux entreprises innovantes pour améliorer l’accès aux financements de la BEI et (ou) à d’autres financements.
La plateforme européenne de conseil en investissement est une initiative conjointe de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement dans le cadre du Plan d’investissement pour l’Europe. La plateforme de conseil donne accès à plusieurs programmes et initiatives de conseil et d’assistance technique, également par l’intermédiaire de son réseau d’institutions partenaires. Les promoteurs de projets, les pouvoirs publics et les entreprises privées peuvent bénéficier d’un soutien technique destiné à les aider à lancer leur projet, à l’amener jusqu’à la phase d’investissement, à obtenir des conseils sur les sources de financement appropriées et à accéder à un éventail inégalé de compétences techniques et financières.