Le problème majeur de l’industrie sidérurgique est la pollution abondante générée par la principale méthode utilisée pour transformer le minerai de fer en acier.
« Nous produisons de l’acier et nous l’améliorons depuis des siècles. Nous devons maintenant consacrer davantage de temps à la recherche de moyens pour le fabriquer en émettant peu de carbone », déclare Johan Hansson, chargé de prêts à la Banque européenne d’investissement (BEI).
L’industrie sidérurgique est responsable d’environ 7 % des émissions mondiales de carbone. La BEI, premier investisseur européen dans le domaine du climat, peut donc uniquement soutenir des investissements durables et innovants dans le secteur sidérurgique.
L’un des accords qui ont pu bénéficier d’un soutien de la Banque européenne d’investissement en 2024 est un prêt de 300 millions d’euros approuvé en juin pour aider Voestalpine, grande entreprise sidérurgique autrichienne, à mener des recherches sur des produits sidérurgiques innovants et une fabrication durable. Le bras financier de l’Union européenne appuie la recherche sidérurgique parce qu’il soutient la trajectoire du secteur vers la durabilité.
Voestalpine, l’un des plus grands sidérurgistes d’Europe, utilisera ce montant sur quatre ans pour la recherche-développement de procédés qui consomment moins d’énergie et de matières premières et prolongent la durée de vie des produits sidérurgiques.
- Regarder une vidéo expliquant le soutien de la Banque européenne d’investissement aux nouvelles technologies et à l’acier à faible intensité de carbone.
Rester en tête dans la course à l’acier
Gerald Mayer, directeur financier de Voestalpine, explique qu’intensifier la recherche peut avoir des retombées positives pour l’environnement, mais que c’est aussi le principal moyen pour l’entreprise de faire face à la concurrence mondiale sur le marché de l’acier.
« Nous sommes confrontés à un environnement économique extrêmement difficile, en particulier pour les entreprises sidérurgiques européennes », affirme-t-il. « Du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre, ainsi que de l’intensification massive de la pression sur les prix exercée par des concurrents non européens, comme la Chine, rester compétitif sur le plan international est un défi de taille. Heureusement, nos produits sidérurgiques innovants sont très recherchés dans les secteurs les plus exigeants. »
Voestalpine compte environ 800 employés travaillant dans la recherche sur plus de 70 sites dans le monde. C’est l’un des plus grands investisseurs dans l’innovation sidérurgique en Europe. Son dernier projet sidérurgique durable s’appelle greentec. Il permettra, à compter de 2027, de réduire les émissions de 30 % au maximum par rapport aux niveaux de 2019, en remplaçant partiellement les hauts fourneaux à forte intensité de carbone par des fours électriques à arc.
La principale exigence pour ces fours à arc est un approvisionnement important en électricité à partir de sources renouvelables, comme des parcs éoliens ou solaires. Voestalpine a signé plusieurs contrats avec des fournisseurs d’électricité verte et prévoit d’être neutre en carbone à l’horizon 2050. La société installe également de grands réseaux de panneaux solaires sur ses sites.
Soutien de la BEI à l’industrie sidérurgique
La Banque européenne d’investissement peut parfois étendre son soutien à l’industrie sidérurgique au-delà de la recherche. Début 2024, la BEI a signé un accord de 314 millions d’euros à l’appui d’une nouvelle usine H2 Green Steel à Boden, en Suède, qui fabriquera de l’acier à partir de minerai de fer avec de l’hydrogène et, par conséquent, émettra 95 % de carbone en moins. En 2020, la Banque a accordé un prêt de 75 millions d’euros à ArcelorMittal, en Belgique, pour mettre au point une technique qui capte les gaz carboniques émis par les hauts fourneaux et les transforme en éthanol.
- Nadia Calviño, présidente de la Banque européenne d’investissement, explique la nécessité d’investir et d’innover davantage dans des industries à forte intensité de carbone comme l’acier et le ciment.
Voici les deux principales façons de fabriquer de l’acier
1) Sidérurgie primaire : un haut fourneau utilise du charbon et de l’air chaud pour transformer chimiquement le minerai de fer en fer, puis en acier.
2) Sidérurgie secondaire ou recyclage : un four à arc électrique utilise l’électricité pour créer des arcs de haute puissance qui font fondre des déchets métalliques. Une grande quantité d’acier est recyclée de cette façon et environ un quart de l’acier neuf est fabriqué en suivant cette méthode. L’acier est l’un des matériaux les plus recyclés, mais la réutilisation des déchets ne suffira pas à satisfaire la demande.
Aider les régions qui seront les plus touchées
Grâce à l’innovation et aux investissements, l’Union européenne est le deuxième producteur mondial d’acier après la Chine. Sa production se monte à près de 180 millions de tonnes par an, soit 11 % de la production mondiale, contre environ 1 milliard de tonnes pour la Chine.
« Une grande partie de l’innovation dans l’industrie sidérurgique au cours des 20 dernières années s’est produite en Europe », affirme Marc Tonteling, ingénieur principal à la Banque européenne d’investissement et spécialiste des investissements dans l’acier. « Vous êtes-vous demandé pourquoi votre voiture rouille beaucoup moins que dans les années 1990 et pourquoi les véhicules résistent aujourd’hui bien mieux aux accidents de la route ? Cela s’explique par de nouvelles nuances d’acier et l’innovation. »
La Commission européenne et la Banque européenne d’investissement collaborent pour soutenir la recherche et l’innovation afin d’obtenir un acier plus propre. Des programmes d’investissement comme Horizon Europe ont financé la recherche à hauteur de milliards d’euros afin de réduire les émissions dans les secteurs de l’acier et du ciment ainsi que dans d’autres filières à forte intensité de carbone. Le Fonds pour une transition juste aide les régions et les pays fortement tributaires de la production d’acier, de l’extraction du charbon et du ciment à opérer une transition vers des types de société et d’économie plus durables.
- En savoir plus sur l’investissement d’ArcelorMittal dans un acier plus propre.
La qualité de l’acier a des répercussions positives sur les trains, les avions et les voitures
En 2024, Voestalpine s’est fixé un budget record de 240 millions d’euros pour la recherche afin de continuer à inventer des produits qui aident un large éventail d’entreprises.
« La recherche-développement a considérablement amélioré les produits sidérurgiques dans de nombreux secteurs, notamment automobile, ferroviaire, aérospatial et énergétique », déclare Gerald Mayer, directeur financier de Voestalpine. « Elle a permis de rendre les voitures plus légères, plus sûres et plus économes en carburant, et d’améliorer l’efficacité des moteurs électriques, des voies ferrées, qui signalent en temps réel les besoins d’entretien aux opérateurs de réseau, et des composants d’aéronefs, qui résistent à des conditions extrêmes. »
La durabilité a un coût
Trouver des méthodes de production plus durables peut augmenter considérablement le prix de l’acier. En effet, les entreprises doivent dépenser des millions d’euros pour la recherche, l’achat de nouveaux équipements et la formation. D’après une estimation, la fabrication d’acier à faible teneur en carbone est 25 % plus onéreuse. De nombreuses recherches sur l’acier portent aujourd’hui sur la fabrication d’un produit qui émet moins de carbone et n’augmente pas sensiblement les coûts.
L’acier dit « vert » n’est majoritairement pas en mesure de concurrencer l’acier moins cher fabriqué dans les hauts fourneaux traditionnels, mais il continue à être demandé. Des industries telles que le secteur automobile sont prêtes à payer davantage pour un produit durable et de grande qualité. Et de nouvelles réglementations dans l’Union européenne et dans d’autres régions obligent les entreprises à utiliser davantage d’acier à faible teneur en carbone ou à payer des droits de douane.
Pour Marc Tonteling, ingénieur principal à la Banque européenne d’investissement, la seule chose que nous ne pouvons pas faire avec l’acier à l’avenir c’est de cesser de le fabriquer.
« Pensez simplement au moment où vous vous êtes levé ce matin », dit-il. « Il y a de l’acier dans votre lit. Et pensez au nombre de fois où vous avez utilisé de l’acier pour quitter votre logement, vous rendre au travail, faire du vélo, conduire ou prendre les transports en commun. L’acier est partout et ne peut pas être remplacé. Il n’existe pas d’autre méthode ou matériau ayant les mêmes propriétés et qui soit aussi abondant et relativement bon marché. »
- Découvrir comment une entreprise belge utilise des sous-produits de la sidérurgie pour réduire les émissions de carbone.