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Greg Clark, Tim Moonen et Jake Nunley

Consultez la présentation générale des villes que nous étudierons en détail dans le cadre de notre série d’articles en cours de parution.

Les observations, interprétations et conclusions exposées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la Banque européenne d’investissement.


>> Vous pouvez télécharger l'article ici


1.     Préambule

1.1       L’Europe et le siècle métropolitain

Les villes d’Europe en 2018 sont un sujet clé pour l’avenir. Centres de population, bassins d’emploi, ruches culturelles et capitales politiques, les métropoles d’Europe sont les lieux où le changement et la compétition s’exercent avec la plus grande intensité. L’avenir économique de l’Europe dépend beaucoup de son réseau hétérogène de villes de deuxième rang, qui, par comparaison, sont des implantations plus petites, plus compactes et plus étroitement définies que sur les autres continents. À l’échelle planétaire, les grandes villes européennes n’ont pas le poids ou la puissance que confèrent une population de plus de dix millions d’habitants ou la présence des sièges sociaux des plus grandes entreprises internationales. Mais elles exercent une autre forme de suprématie sur la scène mondiale. Sur des thèmes internationaux importants tels que la production culturelle, la santé publique, le savoir, l’enseignement ou encore le développement durable, les villes d’Europe arrivent en tête. Les villes européennes sont les lieux qui l’emportent au regard de nombreux indicateurs d’habitabilité et de résilience, et ces avantages sont de plus en plus précieux dans un monde menacé par les changements climatiques, l’instabilité et la transition économique.

>@Nordregio
© Nordregio

Graphique 1 – Répartition et taille relative des villes européennes à l’heure actuelle

Dans cette série d’articles, nous tenterons de décrire comment les grandes villes d’Europe se sont développées au cours des cinq dernières décennies et quelles sont leurs perspectives pour l’avenir. Le monde est entré dans une ère d’urbanisation, un « siècle métropolitain » dont un tiers est déjà écoulé. Sur une période allant en gros de 1980 à 2080, l’humanité va effectuer une grande migration sans précédent vers les villes. À l’issue de cette période, la population mondiale sera à 80 % urbaine. L’Europe sera à l’avant-garde de cette mutation : les Européens seront alors urbanisés à environ 90 %.

Durant ce siècle métropolitain, nous verrons aussi très probablement faiblir la croissance démographique. Une nouvelle génération de technologies aura rendu les modes de vie plus « intelligents », les véhicules plus autonomes et le travail plus automatisé. La grande quête de notre époque – stopper le réchauffement de la planète et dompter les bouleversements du climat – se déroulera pendant ce siècle d’urbanisation. Le succès avec lequel nous saurons mettre à profit la nouvelle concentration spatiale de population et d’activité ainsi que l’apprentissage automatique et les technologies exponentielles pour relever les défis majeurs de l’inclusion économique et de la viabilité de la planète dépendra probablement de la façon dont nos villes elles-mêmes réussissent. Pour que les villes d’Europe disposent des outils et des fonds dont elles ont besoin, il faudra que nos systèmes politiques aient le niveau de capacité et de stabilité permettant de faire face à la contrainte multiple des marchés des capitaux dynamiques, de l’insécurité mondiale, du bouleversement géopolitique et du populisme.

Avec ces impératifs catégoriques, les villes d’Europe sont devenues une plateforme cruciale pour l’action et l’innovation. Nous commençons notre récit en nous interrogeant sur la manière dont ces villes ont évolué et changé au cours des cinquante dernières années. Quels ont été, jusqu’ici, les ingrédients et les recettes de la transformation urbaine en Europe, et quel rôle ont joué les investissements pour aider les villes à s’adapter ? D’où sont venus ces investissements porteurs de transformations ? Enfin, comment le savoir-faire en matière de financement et d’investissement peut-il être appliqué, à l’avenir, pour aider les villes d’Europe à effectuer et assimiler cette nouvelle grande migration urbaine ?

©Jeroen Fortgens/ Shutterstock

1.2          Les villes européennes et leur évolution au cours des cinquante dernières années

Quelques faits étonnants ressortent de l’observation des parcours des villes européennes entre 1970 et 2020. Actuellement, 72 % de la population de l’UE-28 vit dans les villes et les zones urbaines, mais cette moyenne masque des différences prononcées entre les pays. Le taux d’urbanisation varie d’environ 50 % dans des pays comme le Luxembourg, la Roumanie et la Croatie, à plus de 80 % en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Un examen plus attentif révèle aussi une importante diversité de tailles et de types parmi les villes européennes.

>@Eurostat and World Urbanization Propstects
© Eurostat and World Urbanization Propstects

Graphique 2 – Répartition de la population par type de territoire en pour cent du total, dans l’UE et dans les pays de l’espace européen

Le réseau urbain de l’Europe consiste actuellement en un assortiment de petites, moyennes et grandes agglomérations, dont on peut constater qu’elles jouent des rôles distincts et sont à des stades différents de leur cycle de vie. Selon la plupart des définitions du terme, l’Europe ne possède aucune mégapole. Aucune ville ne compte plus de dix millions d’habitants. Toutefois, les agglomérations urbaines de Londres, Paris et Milan dépassent chacune ce chiffre.

En 2012, l’OCDE et la Commission européenne dénombraient dans l’UE (plus la Suisse, la Croatie, l’Islande et la Norvège) 828 grandes villes, dont deux villes mondiales (Londres et Paris), six grands centres urbains dont la principale ville comptait environ trois millions d’habitants (Athènes, Berlin, Madrid, Barcelone, Milan et Naples), 18 régions métropolitaines de deuxième rang (entre un et deux millions de personnes) et 38 villes de troisième rang (entre 500 000 et un million d’habitants). Trois pays (Allemagne, France et Royaume-Uni) concentrent à eux seuls la moitié de ces villes de troisième rang.

En Europe, les villes de moins de 250 000 habitants représentent 28 % des citadins, une proportion qui se situe entre celles de l’Afrique (33 %) et de l’Amérique du Nord (17 %). Environ 26 % des résidents vivent dans des villes qui ont entre un et cinq millions d’habitants, et environ 14 % des Européens vivent dans des villes de plus de cinq millions d’habitants.

>@Eurostat and World Urbanization Propstects
© Eurostat and World Urbanization Propstects

Graphique 3 – Répartition de la population par type de territoire en pour cent du total, sur chaque continent et dans le monde

>@JRC 2015, GHSL Pop Grid V1
© JRC 2015, GHSL Pop Grid V1

Graphique 4 – Part des citadins en pour cent de la population totale, par continent et dans le monde

Cependant, l’Europe n’a pas toujours été aussi « citadine ». De fait, les 50 dernières années ont vu de profondes transformations dans l’organisation du système urbain européen. Durant ces cinq décennies, on est en effet passé d’une Europe industrielle et rurale à une Europe fondamentalement citadine et métropolitaine.

Les 828 grandes villes du continent concentraient 37 % de la population en 1961, mais 40 % en 1981, chiffre qui est ensuite resté stable jusqu’à la reprise récente de la croissance des noyaux urbains. En revanche, durant ces cinq décennies, la part des petites villes, des banlieues et des zones périurbaines dans la population totale n’a cessé de croître sous l’effet d’un double exode, des centres-villes vers les banlieues et grandes banlieues, et des zones rurales vers les villes. Ce transfert du rural à l’urbain, du centre à la périphérie, et de villes individuelles à des ensembles de communes s’est accompagné de deux autres mouvements, plus récents, la réurbanisation, concomitante d’une importante revitalisation des centres-villes en Europe, et la métropolisation, par des processus formels et informels de regroupement de villes, de banlieues et de communes voisines en zones de peuplement combinées partageant des réseaux de transport et des services publics.  

 1.3         Un réseau européen de villes ?

Les 28 États souverains qui composent l’Union européenne ont abordé l’intégration de l’UE aux différents stades de sa création et de son élargissement avec chacun son système et sa hiérarchie de villes distincts et établis. Chaque pays a entamé son parcours au sein de l’Europe avec une notion précise de la façon dont ses villes fonctionnaient entre elles et du système urbain national sous-tendant leurs rôles respectifs. 

Avec l’intégration de l’UE, ces systèmes urbains établis se sont ouverts à des influences extérieures : développement des échanges commerciaux, mouvements de population, nouveaux modes de connectivité, possibilités de spécialisation économique, réciprocité et collaboration transfrontalières. Au gré des évolutions de l’UE, les villes européennes se sont adaptées à ces nouvelles possibilités et se sont placées dans un cadre continental bien plus ouvert, offert par l’intégration européenne. Ces adaptations effectuées par les villes réagissant à la nouvelle combinaison de choix, de possibilités et de connectivité ont engendré un phénomène nouveau.  Nous sommes maintenant dans une situation où coexistent désormais un système européen polycentrique et interdépendant de villes, qui évolue continuellement, et des systèmes urbains nationaux restés en place, mais redynamisés en conséquence.

Ce nouveau réseau européen de villes est extrêmement hétérogène, puisqu’il englobe non seulement les rôles conservés par les 28 capitales, mais aussi une palette plus vaste de villes variées ayant chacune sa spécialisation (la fabrication de pointe, la finance, les services professionnels, les industries créatives, l’éducation, la technologie, les activités portuaires et logistiques, l’énergie, le tourisme, la santé ou encore la culture). Des villes telles que Munich, Rotterdam, Cracovie, Göteborg, Lyon, Manchester, Bâle, Barcelone, Cork, Anvers, Bologne et Oulu ne sont pas la ville principale ou la capitale de leur système urbain national, mais elles ont pu profiter de l’intégration de l’UE pour endosser un rôle de spécialiste éminent sur une scène européenne.   

Le nouveau système englobe également de nouvelles conurbations transfrontalières, telles que celles formées par Vienne et Bratislava, par Copenhague et Malmö ou encore par Trieste et Ljubljana. On y trouve des macro-réseaux de villes qui couvrent le territoire d’anciens empires (le réseau austro-hongrois), des points d’articulation géographiques tels que des mers (la région de la mer Baltique et l’Union pour la Méditerranée), des bassins fluviaux (les régions Rhin-Ruhr et du Danube) et des chaînes de montagnes (l’ensemble transalpin à cheval sur la Suisse, la France et l’Italie). 

Il existe aussi de plus en plus de groupes, ou « grappes », de villes connectées formés autour de certaines activités (services de pointe, innovation et économie créative) et liés par des flux de personnes, de travail, de capitaux et d’idées. Des ensembles tels que le noyau métropolitain nord-ouest (Amsterdam, Bruxelles, Francfort, Paris, Londres), qui englobe et combine plus de 70 % des transactions de pointe effectuées dans l’UE, partagent un tissu d’entreprises, une main-d’œuvre mobile et des liaisons de transport de plus en plus performantes (réseaux ferroviaires intégrés, liaisons aériennes denses). Le groupe naissant des capitales d’Europe centrale (Berlin, Varsovie, Prague, Budapest, Vienne, Bratislava) offre la promesse d’une puissante communauté de villes connectées qui accueilleront des activités de pointe ; quant à la coopération et à la connectivité croissantes entre les villes nordiques (Oslo, Göteborg, Stockholm, Malmö, Copenhague), elles montrent l’ambition de promouvoir une région urbaine d’une population totale combinée de dix millions d’habitants par la spécialisation complémentaire et l’« emprunt d’échelle » (concept de borrowed scale).      

De ce nouveau réseau européen de villes on peut aussi observer qu’il abrite différents types de villes :

  • des villes principales et capitales d’Europe de l’Ouest, qui sont des points de centralité ;
  • des villes de la désindustrialisation, qui sont sorties de la crise et se sont « réinventées » par des investissements ;
  • des grandes villes méditerranéennes, qui ont investi dans le tourisme et les équipements et services connexes ;
  • des villes d’Europe centrale et orientale, qui ont émergé des décombres de l’effondrement du bloc de l’Est et ont investi pour s’adapter aux réalités d’une économie de marché moderne.
>@EIB

Graphique 5 – Carte stylisée des grandes « grappes » de villes européennes et de leurs liens internes

En sous-œuvre à cette reconfiguration du système urbain de l’Europe travaille une série de grandes tendances économiques et démographiques : l’accélération des mouvements de population, l’augmentation des investissements directs étrangers, le perfectionnement des systèmes de technologie et d’innovation et l’organisation professionnelle et économique connexe.  Dans leur assimilation de ces évolutions, les villes européennes ont eu besoin de plusieurs types d’investissements pour s’adapter à des avenirs urbains distincts et différents ; il s’agit d’un thème central de cette série d’articles.

Cet article commence par un exposé des grandes tendances économiques et démographiques qui ont influencé le développement des grandes villes européennes ces 50 dernières années. Il va ensuite plus en profondeur pour examiner le nouveau réseau de villes européen : ce qui le rend unique, comment il a évolué avec le temps et comment il est compris. Il se termine par une explication de ce qui a permis cette mutation urbaine de l’Europe et s’arrête en particulier sur l’importance des investissements d’adaptation. La dernière partie aborde les domaines où se sont concentrés les investissements et le rôle de différentes institutions, notamment la BEI, dans la mise en œuvre réussie de ces investissements. Le propos est de révéler en quoi le « siècle métropolitain » demande à l’Europe d’investir dans un réseau souple et résilient de villes qui sont de plus en plus interdépendantes intrinsèquement.

©Giannis Papanikos/ Shutterstock

2.        Les villes d’Europe au cours des cinq dernières décennies

2.1          Tendances démographiques et de peuplement

Entre 1970 et 2018, la population de l’UE est passée d’à peu près 650 millions à environ 750 millions de personnes. Le différentiel de 100 millions d’habitants a surtout profité au peuplement des villes de relative importance. À l’heure actuelle, la croissance démographique concerne les villes principales ou les capitales, et non les villes de deuxième et troisième rang. Entre 2002 et 2012, la population totale de l’UE-28 a crû de 3 %, mais la population des régions métropolitaines des capitales a augmenté, elle, de 7 %. Quoique ce schéma ne soit pas universel, il se remarque particulièrement dans les pays d’Europe de plus grande superficie, où les distances internationales sont plus grandes. Par exemple, il est très prononcé dans le cas de Londres, de Stockholm, de Paris ou de Varsovie. [1]

Le principal déterminant de l’évolution démographique urbaine est le solde migratoire net. L’augmentation de l’espérance de vie, la baisse de la natalité et de nouvelles normes démographiques, telles que le recul de l’âge du mariage et l’augmentation des divorces, sont aussi à l’œuvre pour modeler les tendances démographiques urbaines.

>@European Commission
© European Commission

Graphique 6 – Composantes de l’évolution démographique de l’Europe entre 1961 et 2016

Migrations

Au cours des dernières décennies, la source de croissance démographique la plus importante dans les villes européennes a été le flux migratoire – en provenance d’autres parties du pays, d’autres pays de la zone ou de l’extérieur de l’UE. [2] Entre 2002 et 2012, le solde migratoire net a été plus élevé que l’accroissement naturel dans sept grandes villes européennes sur dix ; entre 1980 et 2009, le flux migratoire a fait croître la population de l’Europe de 26,5 millions de personnes, soit une progression de 3,8 %. [3]

Au fil du temps, le flux migratoire à destination des villes européennes a gagné en importance. Les flux migratoires entrants ont augmenté très vite entre la fin des années 80 et le milieu des années 90, alimentés par plusieurs facteurs corrélés :

  • la libéralisation des régimes politiques,
  • la détérioration de la conjoncture économique dans les anciens pays socialistes d’Europe orientale,
  • l’instabilité géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique.

À la fin des années 90, les flux est-ouest s’atténuaient progressivement, alors que les nouveaux États d’Europe orientale commençaient à récolter les fruits de la croissance économique, de la création d’emplois et de la hausse du niveau de vie. Or, tandis qu’une économie de marché et des formes démocratisées de gouvernance politique se déployaient en Europe centrale et orientale, l’intégration économique et politique s’intensifiait en Europe occidentale, et le flux migratoire se poursuivait à un rythme soutenu. À compter des années 90, le flux migratoire a compensé l’accroissement du taux de perte de population résultant de l’excédent des décès sur les naissances dans les villes d’Europe de l’Ouest. La disparité grandissante des taux d’accroissement démographique n’est pas due à une hausse ou à une baisse naturelle, mais au solde migratoire net . [4]

Espérance de vie

Une influence essentielle pour les structures démographiques des villes européennes au cours des dernières décennies est l’augmentation de l’espérance de vie.

>@World Bank
© World Bank

Graphique 7 – Évolution de l’espérance de vie et du taux de fécondité, moyenne de l’UE, 1970-2016

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les progrès en matière de santé ont été considérables dans toute l’Europe. Mais la carte européenne de l’espérance de vie a profondément changé ces dernières décennies, les progrès suivant des rythmes très différents d’un pays à l’autre. De fait, l’augmentation globale régulière de l’espérance de vie masque de fortes divergences entre les régions en Europe.

Les améliorations dues à l’innovation médicale et aux changements comportementaux se sont progressivement propagées en Europe du Nord, en Europe de l’Ouest et en Europe du Sud, de sorte qu’en 1985, les écarts entre les espérances de vie dans ces trois territoires étaient nuls ou infimes. Les décès avant l’âge de 65 ans y sont devenus très rares et 85 à 90 % des nouveau-nés peuvent aujourd’hui s’attendre à fêter leur 65e anniversaire. L’allongement de l’espérance de vie a été moins homogène en Europe centrale et orientale, en partie du fait des changements de régimes politique et économique. Toutefois, l’espérance de vie augmente aujourd’hui rapidement dans ces régions. [5]

>@Eurostat - GISCO
© Eurostat - GISCO

Graphique 8 – Espérance de vie à la naissance, par région NUTS 2, 2015

Cet allongement de l’espérance de vie a pour conséquence un vieillissement de la population, amplifié par la baisse de la fécondité. Avec la baisse de la mortalité, une double évolution s’est faite pour la population âgée au cours des dernières décennies : non seulement les gens sont de plus en plus nombreux à atteindre l’âge de la retraite, mais celle-ci dure plus longtemps.

>@World Bank
© World Bank

Graphique 9 – Pourcentage de la population âgée de 65 ans et plus, UE

>@Eurostat - GISCO
© Eurostat - GISCO

Graphique 10 – Taux global de fécondité, par région NUTS 3, 2015

De nouvelles normes démographiques

Le vieillissement des populations urbaines de l’Europe a aussi été favorisée par la prévalence de nouvelles normes touchant à la démographie. Entre le milieu des années 60 et la fin des années 80, les modèles traditionnels de la famille ont été remis en cause et de nouvelles normes sont apparues, alors que les contraintes juridiques sur les comportements démographiques étaient allégées (légalisation du divorce, simplification des procédures de divorce, libéralisation de l’avortement et de l’accès à la contraception, etc.). [6]

La fin des années 80 a marqué l’entrée dans une période de consolidation et d’institutionnalisation de ces nouveaux modèles familiaux, avec l’acceptation grandissante de nouvelles formes d’union, la mise en place du cadre législatif correspondant et la reconnaissance concomitante de la conjugalité et de la parentalité en dehors de l’institution du mariage. Le mariage, quant à lui, s’est fait plus rare et plus tardif, et n’a plus rien à voir avec les taux de mariage élevés et les âges au mariage beaucoup plus jeunes de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, parfois qualifiée d’âge d’or du mariage. Ces facteurs, combiné à l’ouverture croissante des carrières aux femmes, ont encore fait baisser les taux de fécondité sur tout le continent.

L’augmentation du divorce au cours des cinquante dernières années est commune à tout le continent. Elle a toutefois été plus vive dans les pays d’Europe du Nord et d’Europe de l’Ouest, où les réformes législatives ont été plus ambitieuses. Quelque 40 à 50 % des mariages se soldent aujourd’hui par un divorce, contre 10 à 20 % en 1970. [7]

Désurbanisation et réurbanisation

Entre les années 60 et les années 80, de nombreuses villes d’Europe de l’Ouest ont connu un déclin démographique, alors que leurs populations tentaient d’échapper aux problèmes de décrochement et de marginalisation accompagnant les suppressions d’emplois dans les centres-villes en conséquence de la désindustrialisation. [8] Les répercussions du déclin de la population se sont constatées dans plusieurs secteurs (marché du logement, services de proximité, infrastructure scolaire, transports publics) et ont été ressenties de façon plus aiguë dans les quartiers pauvres, là où les pertes d’emplois étaient concentrées. Les familles ont migré vers les banlieues, en quête d’un environnement de meilleure qualité. La pauvreté, le chômage et la polarisation ont engendré un clivage visible entre quartiers pauvres et quartiers riches. [9]

À partir de la fin des années 80, le flux démographique vers les villes a recommencé à être positif. Dans les années 90, le déclin de la population a ralenti dans 40 % des villes de l’UE-28 et, dans les années 2000, les villes ont recommencé à attirer des habitants et seulement 30 % d’entre elles ont enregistré une réduction de leur population. [10] Pour partie, cela peut s’expliquer par les programmes de revitalisation urbaine qui ont encouragé les gens à revenir vivre dans les centres-villes (voir la troisième partie de ce document). Mais certains changements économiques et démographiques ont aussi joué un rôle important.

>@EIB

Graphique 11 – Nombre de villes enregistrant soit une croissance soit une décroissance démographique en Europe, 1960-2005

>@BBSR Bonn
© BBSR Bonn

Graphique 12 – Croissance et décroissance démographiques par région NUTS 3, 1990-2000

La montée en puissance du secteur tertiaire, par exemple, a accru la demande pour des modalités de logement à plus court terme, tandis que la généralisation de modes de cohabitation comme le concubinage et la hausse des prix de l’immobilier se sont traduits par une augmentation de la part de la location. Aujourd’hui, la plupart des résidents de l’UE louent leur logement, et la part des locataires est deux fois plus importante dans les villes (45 %) que dans les zones rurales (23 %). [11] Certains États, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, ont commencé à réduire les incitations financières à l’étalement et engagé une redensification aux fins de créer de la demande pour les services locaux et de stimuler l’activité économique. [12]

>@adapted from http://www.policy.hu/mykhnenko/Turok&Mykhnenko2007Cities.pdf
© adapted from http://www.policy.hu/mykhnenko/Turok&Mykhnenko2007Cities.pdf

Graphique 13 – Évolution comparée des taux de croissance annuels moyens de la population urbaine et de la population nationale en Europe, 1960-2005

2.2  Tendances économiques

Sur la période de 1970 à 2020, on peut observer plusieurs phases dans la transformation et la transition économique des pays membres de l’UE. Même si tous les pays n’ont pas connu la désindustrialisation, la perte d’emplois industriels est une tendance de fond, associée à la montée en puissance de l’économie des services, ainsi que, depuis peu, des économies de la création, du savoir et de l’innovation. Une autre caractéristique est la croissance des économies du tourisme et des loisirs, et le développement d’un secteur spécifique du tourisme et des loisirs urbains alimenté par l’intégration de l’UE et l’offre de voyages à petit prix.

Des années 60 aux années 80 : la désindustrialisation et la crise du pétrole

Entre 1945 et 1973, une succession d’accords commerciaux et salariaux a favorisé un mouvement rapide de migration des zones rurales et du Sud vers les villes d’Europe du Nord. À cette époque, la majorité des zones métropolitaines les plus productives du continent se trouvaient dans un triangle reliant Amsterdam, Milan et Paris, qui englobait des villes de premier plan en Suisse et en Allemagne de l’Ouest.

À la fin des années 60, la désindustrialisation était en marche dans les villes d’Europe, menacées à la fois par l’obsolescence de leur infrastructure et la transformation de l’ordre économique mondial qui favorisait de plus en plus leurs homologues asiatiques comme épicentres de l’activité manufacturière. La crise du pétrole de 1973 a été un facteur majeur d’accélération de ce processus de désindustrialisation.

Au début des années 80, le taux de chômage atteignait des niveaux dangereusement élevés dans beaucoup de villes européennes. Les usines fermaient et le nouvel ordre économique avait fait disparaître la raison d’être de la main-d’œuvre bon marché des travailleurs migrants. La population des villes, où l’industrie était jusqu’alors le secteur dominant, entama son déclin, tandis que s’enclenchait l’étalement urbain causé par la fuite des citadins des centres-villes en proie à la paupérisation.

Années 90 : l’avènement de l’économie des services

Le long ralentissement économique qui a suivi la crise du pétrole a été un facteur majeur de l’émergence de nouveaux secteurs pan-européens, au premier rang desquels ceux des services financiers et professionnels. Dès les années 90, le secteur des services était devenu, de loin, le premier employeur dans les villes européennes. Sur les cinq plus grands marchés urbains du travail de l’UE-28 (Londres, Paris, Berlin, Madrid et Rome), entre 80 % et 90 % de tous les emplois relèvent aujourd’hui du tertiaire . [13] L’importance grandissante des services financiers est illustrée par l’accroissement de la valeur boursière des actions rapportée au PIB (graphique 14).

>@World Bank
© World Bank

Graphique 14 – Valeur totale des actions cotées en % du PIB dans l’UE, 1975-2014

Les villes d’Europe centrale et orientale ne sont pas encore autant dominées par le secteur tertiaire, mais le rattrapage avec leurs homologues d’Europe de l’Ouest est en cours pour nombre d’entre elles. D’ailleurs, dans les villes d’Europe centrale et orientale prises collectivement, le rythme de croissance du secteur tertiaire a été plus rapide que partout ailleurs au cours de la décennie écoulée, ce qui est cohérent avec la modification structurelle et la transition économique rapides et profondes qui s’y déroulent depuis quelques années. [14]

Depuis les années 2000 : la mondialisation et l’intégration

La première décennie du XXIe siècle a été une époque de stabilisation tout autant que d’intégration. Les structures politiques et économiques nouvelles en Europe centrale et orientale entamaient une période de stabilisation, tandis que l’élargissement de l’UE à l’est engendrait parallèlement un renforcement de l’intégration européenne. Les deux mouvements concomitants d’intégration européenne et de mondialisation s’associent pour encourager de nouvelles dynamiques continentales dans lesquelles l’Europe s’appuie sur les forces établies de Londres et de Paris en tant que sièges sociaux pour faciliter les affaires, les investissements et le tourisme. [15]

La baisse de coûts de transport et de communication a rendu de plus en plus faisable de diviser l’activité industrielle en plusieurs phases et d’installer chacune d’elles dans un lieu différent. [16] Il s’ensuit que les échanges commerciaux intra-sectoriels entre des économies aux niveaux de développement différents se sont accrus. Ainsi, au XXIe siècle, les distinctions simples ou claires faites entre les économies sur la base des industries qu’elles contiennent sont remplacées par des critères plus subtils et difficiles à mesurer de spécificité économique et de connexion. [17]

2.3          Tendances spatiales des années 70 aux années 2000

Entre les années 70 et 2000, le développement des villes européennes a entraîné un certain nombre de tendances spatiales aux implications profondes pour le réseau de villes du continent. Ces tendances relèvent de trois catégories :

  • soviétisation et « dé-soviétisation » de l’Europe centrale et orientale,
  • désindustrialisation, montée en puissance de l’économie des services et creusement des disparités inter-régionales,
  • accroissement de la connectivité et des déplacements et flux migratoires transnationaux, et émergence d’une nouvelle économie du tourisme et des loisirs.

Ces années ont également été témoins de changements politiques qui ont modifié le paysage urbain de l’Europe. Au cours de cette période, l’Espagne est passée de la dictature à la démocratie et 13 des 28 membres actuels de l’UE sont sortis du bloc communiste pour se muer en économies de marché à part entière.

La désindustrialisation et la montée en puissance de l’économie des services

À partir des années 70, de nombreuses villes d’Europe de l’Ouest ont entamé un long processus de désindustrialisation. La désindustrialisation des villes s’est accompagnée d’un déclin spectaculaire de l’appareil productif. Dans les années 80 et 90, les villes européennes ont perdu, en moyenne, entre 30 % et 80 % de leurs emplois industriels. Dans tous les cas, la désindustrialisation a aggravé les inégalités au sein des villes, du fait de la concentration des pertes d’emplois dans les quartiers les plus pauvres. À l’occasion, la désindustrialisation a aussi creusé les disparités entre régions, notamment lorsque les industries étaient concentrées dans certaines zones du pays, comme en Italie, au Royaume-Uni ou en Allemagne, et lorsque des aires métropolitaines entières se sont désindustrialisées d’un coup, comme pour la région Rhin-Ruhr.

Le développement de l’économie des services à compter du début des années 80 a encore accentué la tendance à l’intensification des disparités inter-régionales. Profitant de cet essor du secteur tertiaire, les grandes entreprises transnationales se sont de plus en plus concentrées dans certains pôles de l’économie européenne – notamment dans de grandes villes d’Europe de l’Ouest comme Paris, Londres et Bruxelles.

Dans un pays donné, ces nouveaux pôles du secteur tertiaire, souvent, n’étaient pas les mêmes territoires que ceux qui avaient concentré les industries ; ainsi, la spécificité spatiale de ces deux phénomènes – désindustrialisation et essor de l’économie tertiaire – se conjuguait pour accroître les disparités entre les villes. Dans le cas de l’Allemagne, cela se traduisit par une spécialisation plus intense et par une division du travail plus claire entre les principales métropoles – en particulier Francfort, qui devint le centre financier du pays, et Berlin, toujours singularisée par son appartenance au bloc de l’Est. 

Mais la désindustrialisation a aussi touché les pays socialistes d’Europe centrale et orientale. Avec la complexification croissante de l’économie soviétique durant les années 70 et 80, la désagrégation des chiffres de la production et des facteurs de travail des usines était devenue très compliquée. Sous l’effet de la multiplication du nombre d’entreprises collectives, de combinats et de monopoles d’État, l’économie se mit à stagner et eut de plus en plus de mal à réagir au changement ou à fournir les nécessaires stimulus à la croissance . [18]

Les résidents de plus en plus nombreux quittaient les petites villes pour les grandes villes et les capitales, ce qui accentua le déclin. La désindustrialisation dans ces villes s’accrut encore après l’effondrement du bloc soviétique au début des années 90, leur économie ayant alors dû s’adapter rapidement à la réalité du modèle tertiaire post-industriel toujours plus influent.

Connectivité croissante

La période des années 70 à 2000 a également vu de formidables progrès des liaisons de transport, l’Europe étant prise d’une fièvre de construction d’autoroutes, d’extension de réseaux ferroviaires et d’amélioration des liaisons aériennes. À l’aube des années 80, les débuts du transport aérien de masse et l’accroissement du nombre des grands axes transfrontières routiers et ferroviaires avaient suscité une explosion des déplacements transfrontaliers, de loisirs ou professionnels – notamment dans des zones aux frontières de la France, de l’Italie, de la Suisse et de l’Autriche. Partant, l’importance des frontières nationales commença à s’estomper. Les chemins de fer connurent une phase d’expansion particulièrement rapide à la fin des années 80 et au début des années 90 (graphique 15).

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Graphique 15 – Longueur totale du réseau de voies ferrées dans l’UE (en km)

L’essor de l’économie des loisirs

Quand débutèrent les années 70, les fondations du tourisme de masse étaient en place. Réagissant à la conjoncture économique, les agences de voyage et autres prestataires de tourisme avaient commencé à proposer des séjours à l’étranger bon marché. Les voyagistes et les agences de tourisme fleurirent un peu partout et les grands magasins eux-mêmes créèrent leur offre de séjours à forfait. Plus tard, le tourisme « charter » occupa un segment de marché florissant et permit le développement d’une offre de vacances encore moins chères. [19]

Cette évolution allait de pair avec la disponibilité croissante du transport aérien à des prix de plus en plus abordables. À compter du milieu des années 80 en particulier, une révolution se fit dans le paysage économique et réglementaire du transport aérien européen, l’UE avançant progressivement vers la mise en œuvre d’un marché unique du transport aérien par une série de trains de mesures législatives. Ces mesures limitaient le droit des États à s’opposer à la mise en place de nouveaux tarifs et accordaient aux compagnies aériennes une plus grande souplesse en matière de partage de capacité (nombre de kilomètres-sièges disponibles). [20] ALa conséquence de ces innovations fut une explosion de l'économie du tourisme transcontinental. En 1991, le nombre d’adolescents et d’adultes partant en vacances à l’étranger atteignait 32 millions, soit plus du triple du chiffre de 1951. [21]

À son tour, ce phénomène a engendré certaines grandes tendances spatiales, dont :

  • l’augmentation du nombre de retraités partant s’installer dans des endroits découverts à l’occasion de vacances, notamment des destinations touristiques de l’Europe du Sud telles que l’Espagne, le Portugal et l’Italie ;
  • l’intensification de la saisonnalité des tendances du travail, là encore, concentrée dans des zones du pourtour méditerranéen.
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Graphique 16 – Nombre de passagers aériens transportés dans l’UE entre 1970 et 2016

Depuis les années 2000

Nombre de ces tendances se sont renforcées au-delà des années 2000. Le passage à l’économie de l’innovation et de la création s’est accompagné d’une nouvelle concentration de l’activité économique et de l’apparition de nouveaux territoires spécialement consacrés à ces secteurs d’activités. Parallèlement, les grandes villes ont continué d’affiner leurs spécialités fonctionnelles selon leur aptitude à s’adapter aux nouveaux secteurs, qui sont, entre autres, l’économie des loisirs, les sciences de la vie et de la santé et les activités halieutiques et maritimes.

La période des années 2000 à nos jours a aussi vu les grandes villes européennes continuer d’améliorer leur connectivité. En 2009, l’Europe comptait 7 500 kilomètres de lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) ; elle en comptera le double en 2020. Les LGV ont spectaculairement réduit les temps de trajet entre les principales grandes villes d’Europe – de 43 % entre Bruxelles et Francfort et de 60 % entre Bruxelles et Londres, par exemple. [22]

Les villes européennes ont aussi continué d’améliorer leurs liaisons aériennes. Depuis 2007, l’offre de liaisons directes entre différents points du continent a augmenté de 16 %, essentiellement sous l’effet de la multiplication et du développement des compagnies à bas coûts et de la progression régulière du nombre d’arrivées de touristes. Le nombre de sièges disponibles sur des vols réguliers hebdomadaires à l’intérieur de l’UE est passé de 5,5 millions en 1992 à 13,9 millions en 2015 ; dans le même temps, le nombre de liaisons intra-UE entre pays membres est passé de 874 à 3 522 (6,2 % de croissance annuelle moyenne). [23]

Depuis 2000, alors qu’il déclinait dans l’UE en général, l’emploi a augmenté, d’environ 7 %, dans les villes européennes. De même, le PIB a aussi progressé plus vite dans les agglomérations urbaines que dans les autres territoires, le différentiel étant de l’ordre de 50 %. [24] Aujourd’hui, nombre de villes européennes affichent de meilleurs résultats que leur pays en matière de productivité, d’emploi, d’éducation et d’innovation. C’est en partie la conséquence de la mondialisation des services, qui se traduit par une concentration plus intense dans les villes et leur périphérie. Mais les villes à revenu intermédiaire sont de plus en plus menacées par le danger du « piège du revenu intermédiaire ». La raison en est que, avec l’accroissement de la productivité et des salaires, elles risquent de devenir moins attrayantes pour les activités à forte intensité de main-d’œuvre ou à faibles qualifications.[25]

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Graphique 17 – PIB par habitant comparé à la moyenne nationale par aire métropolitaine, 2013

Les villes de deuxième et troisième rang, qui sont davantage tributaires de créneaux dans des chaînes de valeur internationales pour obtenir un avantage concurrentiel, sont aux prises avec un problème de productivité, surtout en Europe de l’Ouest. Les villes qui ne font pas partie des six à dix plus grandes de leur pays s’en sortent particulièrement mal, avec un produit nettement inférieur à la moyenne nationale. [26] Ces villes, en particulier celles situées hors de la « banane bleue » (ce territoire, le long d’un axe allant de Manchester à Milan, au contour en forme de banane), luttent aussi pour retenir leurs populations et leurs talents. Beaucoup d’entre elles ont besoin des stratégies et des filières nouvelles vers l’internationalisation qui nécessitent un renforcement des liens avec les villes voisines et un réexamen de la façon de rivaliser sur des marchés mondiaux. [27]

Les villes d’Europe centrale se font leur place sur la scène planétaire à des rythmes différents et avec des réussites variées. Plusieurs des villes principales de cette zone ont réussi une transition relativement fluide vers l’économie de marché, ont su diversifier leur économie et pu attirer des investissements étrangers. C’est le cas de Bratislava et de plusieurs villes de Pologne, qui enregistrent des progrès substantiels grâce à des politiques publiques nationales raisonnées. De nombreuses autres capitales et métropoles d’Europe centrale ont le potentiel pour rivaliser heureusement au sein de l’économie européenne, mais elles doivent encore se moderniser, notamment par un renforcement des capacités de gouvernance et des améliorations de coordination et d’infrastructure. Cela vaut notamment pour l’arborescence comprenant Berlin, Budapest, Prague, Vienne et Varsovie, où ne s’est pas encore créée une dynamique de croissance combinée. [28]

Les villes du sud et de l’est de l’Europe ont perdu une bonne partie de l’élan pris durant le précédent cycle économique et subissent de plus en plus les effets néfastes dont peut être porteuse la mondialisation. Beaucoup sont des villes à faible risque dans des pays à risque moyen et sont confrontées à des niveaux critiques de chômage des jeunes. Rome, Milan, Athènes et Madrid observent, dans le cycle actuel, un déclin de leurs performances relatives pour l’investissement et les services financiers, directement causé par les données économiques fondamentales. Barcelone, jusqu’ici, résiste mieux, essentiellement grâce à ses investissements dans les technologies intelligentes et l’entrepreneuriat.

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2.4          Tendances de politique publique

À côté de ces tendances démographiques et économiques, il convient de discerner le rôle de plusieurs évolutions de politique publique. De fait, depuis 1970, les villes ont mis en œuvre différentes mesures de politique publique pour faire face à la mutation socio-économique (voir le tableau ci-dessous). 

Tout au long des années 70 et 80, les politiques urbaines en Europe se sont attachées avant tout à corriger les défauts devenus caractéristiques des centres-villes et des quartiers excentrés dans le sillage de la désindustrialisation, en particulier en Europe de l’Ouest. Dans les années 70, les premières mesures visèrent la remise en état des sols et la réhabilitation écologique ; des villes commencèrent à transformer des sites urbains pollués et semi-abandonnés en actifs utilisables et attrayants. Cette stratégie allait de pair avec un recentrage sur l’emploi, l’entreprise et les compétences ; de plus en plus, les villes privilégièrent les programmes de renforcement des compétences et de soutien à visée locale afin d’aider les ouvriers licenciés des usines et la nouvelle génération de jeunes marginalisés à être en mesure d’occuper des emplois créés dans le secteur tertiaire.

Dans les années 80, les politiques changèrent légèrement de cap pour s’orienter plus concrètement sur de grands projets de revitalisation des centres-villes. Les villes commencèrent à mettre en œuvre de vastes programmes de rénovation de secteurs entiers, concernant de grands ensembles relativement récents ou de vieux quartiers centraux délabrés frappés par la désindustrialisation. [29]

Les communes s’efforcèrent aussi de plus en plus de recréer un sentiment d’appartenance en réinvestissant dans des places centrales et des monuments publics. Des agences, financées par des fonds publics, furent créées à cette époque pour porter le changement.

Dans les années 90, l’orientation des politiques publiques changea de nouveau ; cette fois, on cibla la compétitivité globale des villes. Avec l’essor du tourisme, un nouvel objectif s’imposa : augmenter la fréquentation touristique et investir dans le patrimoine culturel. Les villes s’efforçaient de décrocher des manifestations sportives internationales, de se doter de musées de classe mondiale et de rendre leurs centres attrayants par la piétonisation et la mise en valeur du domaine public. Elles améliorèrent les conditions de logement pour attirer les grandes entreprises internationales et une « classe créative » dont elles pouvaient de moins en moins se passer. Les transports devinrent eux aussi une priorité. Dans les années 90, la Commission européenne lança le développement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), dans l’optique d’améliorer la connectivité et la compétitivité.

Une décennie plus tard, il était manifeste que pour assurer la compétitivité, il fallait doter les aires métropolitaines de structures de gouvernance cohérentes. La gouvernance métropolitaine coordonnée fut ainsi mise à l’ordre du jour, les villes cherchant à créer de nouvelles structures – administrations métropolitaines à deux niveaux, nouvelles agglomérations métropolitaines, voire, dans certains cas, administrations combinées, avec un maire directement élu responsable de toute une aire métropolitaine. La notion d’habitabilité s’érigea aussi en objectif de politique publique prioritaire à cette époque, les villes s’efforçant de juguler des externalités liées à la croissance telles que l’engorgement, la pollution atmosphérique et la cherté du logement.

Actuellement, les politiques publiques sont caractérisées par une mise en évidence de certains secteurs et de certains programmes. Aujourd’hui, très peu de villes européennes sont assurées de connaître une croissance économique et une création d’emplois substantielles, les en empêchent l’atonie de la croissance mondiale et l’attrition des finances publiques, ainsi que l’aversion généralisée au risque. Il s’ensuit que, dans les grandes villes d’Europe, l’on se tourne de plus en plus, pour soutenir le développement économique, vers l’amélioration de l’environnement des affaires. [30] Certains secteurs spécifiques – la spécialisation intelligente, les technologies et l’innovation – sont visés en particulier comme pouvant fournir les nouveaux territoires de croissance. La résilience et la réponse aux changements climatiques sont aussi devenues des points clés des politiques publiques durant cette période.

Date

Pays membres de l’UE

Grandes évolutions à l’échelle de l’Europe

Grands événements

Politiques urbaines

1970-1980

9 (6 pays fondateurs + 3 nouveaux)

Premières réformes du marché commun

Désindustrialisation et crise du pétrole

Remplacement des emplois

Dépollution

1980-1990

12   (3 nouveaux)

« Banane bleue »

Mondialisation

Problèmes des centres-villes

Logement

Création d’espaces

1990-2000

15 (3 nouveaux)

Réseaux transeuropéens

Effondrement du bloc de l’Est

Culture et tourisme

Compétitivité

2000-2010

27 (12 nouveaux)

Élargissement

Stratégies macrorégionales

Crise financière mondiale
Terrorisme

Gouvernance métropolitaine

Habitabilité

Après 2010

28 (1 nouveau)

Méga-régions

Austérité

Brexit

Spécialisation intelligente

Résilience

Technologie et innovation

 

3.         Le réseau européen de villes et son évolution

3.1          Le réseau européen de villes aujourd’hui

Le réseau actuel de villes européennes est par essence extrêmement hétérogène. Aujourd’hui, le paysage urbain de l’Europe se caractérise par plus de 1 000 petites, moyennes et grandes villes aux rôles et fonctions variés.

Par comparaison avec d’autres parties du monde, nombre de régions d’Europe ont une structure polycentrique, où de multiples villes et agglomérations possèdent des zones de rayonnement croisées et font partie de conurbations polycentriques. Les gens habitent dans une aire, travaillent dans une autre et font leurs courses dans une troisième. Dans certains cas, ces conurbations s’étendent par-delà les frontières nationales. [31]

Ce système urbain interdépendant représente une importante évolution par rapport aux années 70, lorsque les villes avaient peu d’interactions entre elles et étaient enfermées dans des hiérarchies urbaines nationales étroitement définies.

Le système urbain européen tel qu’il apparaît est composé de trois types de villes :

  • des pôles internationaux ayant une influence pan-européenne ou mondiale. Il s’agit de plaques tournantes du savoir, à la pointe de l’industrie, des affaires et de la finance internationales ; de capitales établies fermement installées au sommet de leur hiérarchie urbaine nationale ; et de capitales « réinventées » qui sont devenues des moteurs de l’activité économique pour de nouveaux États membres ;
  • des pôles spécialisés, qui jouent un rôle international important dans au moins certains aspects de l’économie de la ville. Il s’agit de plates-formes tertiaires d’envergure nationale, qui remplissent des fonctions clés à l’échelle du pays au sein du secteur des services ; de centres de transformation, qui ont un passé industriel, mais qui sont actuellement en train de se réinventer ; et de portes d’entrée, des villes de plus grande dimension disposant d’infrastructures portuaires ad hoc. D’autres exemples de pôles spécialisés sont les plates-formes pour l’innovation et les activités multinationales, les centres pour la recherche et l’enseignement supérieur et les villes équipées pour accueillir de grands flux de visiteurs ou dont le secteur tertiaire est axé sur le tourisme ;
  • des pôles régionaux, qui sont des grandes villes et des villes satellites désindustrialisées, ainsi que des centres de marchés et de services publics régionaux . [32]
>@European Commission
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Graphique 18 – Typologie des grandes villes européennes, 2007

L’Europe ne compte à l’heure actuelle que deux villes mondiales, ayant véritablement la taille, la qualité et l’expérience voulues pour fonctionner comme des plates-formes mondiales intégrales, à savoir Londres et Paris. Qui plus est, contrairement à d’autres régions, l’Europe s’appuie beaucoup, pour une proportion importante de ses échanges commerciaux mondiaux, sur des agglomérations métropolitaines « intermédiaires » florissantes au sein d’économies nationales elles-mêmes performantes. [33] L’UE compte 271 aires métropolitaines qui, en 2013, représentaient 59 % de sa population, fournissaient 62 % des emplois et généraient 68 % du PIB, ce qui montre leur rôle important en tant que bassins de population, d’activité économique et d’emploi. [34]

3.2          Comparaisons avec d’autres systèmes urbains

À l’échelle mondiale, les villes européennes ont une faible croissance et une densité moyenne. Depuis 1993, les vingt plus grandes aires métropolitaines d’Europe ont enregistré 1,6 % de croissance annuelle de leurs revenus ; dans le même temps, la croissance des revenus était de 6,2 % pour leurs homologues des pays émergents. [35] La densité médiane des villes européennes est de l’ordre de 3 000 habitants au km², soit près du double de celle des villes nord-américaines, mais la moitié de celle des villes asiatiques et africaines. [36]

Hormis pour Londres et Paris, les effets d’urbanisation des grandes villes n’étaient pas, jusqu’à très récemment, le principal moteur économique en Europe comme ils pouvaient l’être ailleurs dans le monde. Si l’on compare avec d’autres grandes villes, on constate que les citadins européens sont très majoritairement concentrés dans des agglomérations de 250 000 à 5 millions d’habitants. D’ailleurs, sur les 79 villes de plus de 5 millions d’habitants que compte la planète, seules dix se trouvent en Europe. De plus, en Europe, ces villes n’accueillent qu’un citadin sur sept, contre un sur quatre dans le reste du monde. Cela signifie que les grandes villes européennes doivent généralement rivaliser beaucoup plus par la qualité que par la quantité. [37]

L’absence relative de mégapoles dans le réseau de villes de l’Europe résulte en partie du nombre d’États concernés, qui ont chacun leurs propres réseau de villes et priorités stratégiques. C’est une des raisons pour lesquelles, malgré la croissance du commerce et des échanges transfrontaliers, couplée à l’émergence d’un réseau de villes interdépendant à l’échelle européenne, les résultats des villes européennes restent très étroitement liés à la géographie nationale. Cette idiosyncrasie explique que, par exemple, les grandes villes allemandes prises collectivement font nettement mieux que leurs homologues britanniques depuis 2007. [38]

3.3          L’évolution du système urbain européen 

Au fil des époques et au gré des mutations économiques, ce sont des ensembles urbains différents qui ont connu la réussite, et des façons différentes de voir le système européen de grandes villes se sont imposées.

Panorama historique : les villes européennes de 1945 aux années 70

Durant les trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les économies européennes ont subi une véritable métamorphose. [39] L’Europe de l’Ouest en particulier a vécu, entre le début des années 50 et le début des années 70, un âge d’or de la croissance économique durant lequel le taux de croissance annuel moyen du PIB réel par habitant était d’un peu plus de 4 % et qui vit le PIB total par habitant quasiment doubler. [40]

Dans un premier temps, l’économie européenne a crû rapidement du simple fait de la reconstruction d’après-guerre, de la reconstitution du stock de capital et du transfert à l’industrie productive de la main-d’œuvre préalablement affectée à l’effort de guerre. Au demeurant, le formidable essor économique de l’immédiat après-guerre peut être décrit comme une croissance de rattrapage, c’est-à-dire que le continent a pu alimenter la croissance principalement en exploitant le stock de nouvelles technologies apparues dans l’entre-deux guerres mais jamais encore mises à profit commercialement. [41]

Cependant, même dans ces premières années, la croissance n’était pas la même partout sur le continent, ce qui donna lieu à la formation d’une géographie économique et industrielle d’après-guerre distincte. Cette géographie reflétait un certain nombre de caractéristiques à l’œuvre à diverses échelles :

  • la proximité de débouchés, de matières premières et de bassins de main-d’œuvre bon marché ;
  • les spécialisations industrielles d’avant-guerre ;
  • le nouvel ordre géopolitique de l’Europe d’après-guerre.

Au niveau national, la croissance de rattrapage était en règle générale plus forte là où étaient en place des syndicats de travailleurs solidaires, des fédérations patronales soudées et des gouvernements soucieux de la croissance. [42] De plus, la croissance industrielle était très vive dans les six pays qui, en 1951, s’unirent pour former la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et, plus tard, la Communauté économique européenne (CEE) – l’Allemagne, la France, l’Italie et les trois pays du Benelux – ainsi que dans ceux qui recevaient l’aide américaine dans le cadre, notamment, du Plan Marshall.

>@European Statistical System Census Hub (European Commission)
© European Statistical System Census Hub (European Commission)

Graphique 19 – Répartition des logements selon leur époque de construction la plus courante, par région NUTS 3, 2011

À un niveau plus local, la croissance se concentra de plus en plus dans des aires qui étaient en mesure de tirer parti de précédentes spécialisations industrielles (comme la production textile dans le nord de l’Italie), bénéficiaient d’une étroite proximité avec les marchés nationaux et continentaux et avaient accès à des sources de main-d’œuvre bon marché. La croissance fut aussi favorisée dans des régions proches de bassins de matières premières telles que les métaux, et de sources d’énergie telles que les rivières et les montagnes. Ensemble, ces facteurs ont effectivement dirigé la croissance industrielle vers trois zones principales en Europe :

  • le nord de l’Italie,
  • le nord et le centre de l’Angleterre,
  • la région Rhin-Ruhr en Allemagne.
>@Pearson Prentice Hall, Inc.
© Pearson Prentice Hall, Inc.

Graphique 20 – Principales régions industrielles en Europe, 1945-1970

Le nord de l’Italie après la guerre se développa principalement sous l’effet de trois facteurs favorables : la stabilité monétaire, l’accès bon marché aux matières premières et à la main-d’œuvre et l’aide massive en provenance des États-Unis. Cependant, d’autres facteurs eurent aussi leur importance. La découverte d’hydrocarbures assura la continuité de la sidérurgie dans la plaine du Pô, permit à la compagnie pétrolière ENI de se transformer en superpuissance mondiale et aida les industries nationales connues et établies de longue date, y compris le textile, à poursuivre leur développement. Par ailleurs, les syndicats restèrent faibles et politiquement divisés jusqu’à fin des années 60, et l’Italie du Nord bénéficiait d’atouts particuliers : présence de l’hydroélectricité, une masse critique de transformateurs et d’assembleurs de matières premières et l’importation de machines-outils performantes, financée grâce à l’excédent commercial du textile – tous avantages qui contribuèrent à faire naître un secteur florissant des appareils électriques et de l’électroménager.

Peut-être plus important encore, la période de l’après-guerre en Italie fut une période de mobilité démographique sans précédent. Après la guerre, l’Italie entra dans une ère de rapide essor économique. Le fossé se creusait petit à petit entre la prospérité des aires urbaines – notamment le triangle industriel Lombardie-Piémont-Ligurie – et les difficultés et la pauvreté persistantes dans les territoires de montagne et les zones rurales, en particulier dans le sud. L’industrialisation soutenue de ces centres urbains agit comme un puissant facteur d’attraction, encourageant un afflux de migrants vers des villes comme Rome, Milan, Turin et Gênes. Grâce à cela, ces territoires ont vu se former d’importantes économies d’agglomération qui ont encore alimenté la croissance industrielle. Globalement, de 1956 à 1964, l’Italie connut des taux de croissance supérieurs à 6 %. [43]

La Grande-Bretagne, même si elle ne faisait pas partie de la CECA initialement, était sortie de la Seconde Guerre mondiale en possession d’un avantage technologique distinct dans les domaines de l’aéronautique, de l’aérospatiale, des ordinateurs et de l’électronique. [44] Le pays bénéficiait des atouts suivants : des régions centre et nord dont les usines avaient été relativement épargnées par les bombardements, une masse critique d’ingénieurs et d’innovateurs, héritiers de ceux qui avaient fait la révolution industrielle un siècle plus tôt, et l’aide financière des États-Unis. Tous ces facteurs conjugués avaient rendu possible le passage à une nouvelle phase de développement industriel accéléré.

Au cœur du marasme de l’inflation et de la crise économique de l’entre-deux-guerres, la région Rhin-Ruhr tira profit de ses immenses réserves de charbon et de fer pour établir une masse concentrée de géants de la sidérurgie. Dans les années de l’après-guerre, la vive croissance économique généra une forte demande pour ce type de biens, qui, à son tour, suscita le développement d’une impressionnante industrie de l’acier, du matériel ferroviaire et de l’armement dans toute la région. [45]

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La crise de 1973 et le début de la mutation vers les services

En 1973, les économies européennes furent durement touchées par la crise mondiale du pétrole, qui marqua le début d’une période de ralentissement de la croissance. Confrontées à la hausse des prix du pétrole et des matières premières et à l’épuisement des occasions de rattrapage et de convergence du début, le continent devait trouver d’autres moyens de soutenir sa croissance économique. Les économies d’Europe, tout au long des années 70 et 80, passèrent peu à peu d’un modèle de croissance fondé sur l’accumulation du capital à toute force et l’acquisition de technologies connues à celui d’une croissance fondée sur des progrès d’efficience et d’innovation interne. [46]

La région de la Ruhr fut particulièrement frappée par la crise. Non seulement les mines de charbon étaient à peu près épuisées, mais le charbon allemand n’était plus concurrentiel. De plus, la sidérurgie subissait un violent déclin, frappée par la concurrence asiatique – notamment japonaise – bon marché, qui tirait les prix vers le bas. [47] La demande de charbon continuant de diminuer, la région subit une série de crises structurelles. La diversification industrielle, avec le développement du secteur tertiaire et de l’industrie des technologies et des systèmes de fabrication avancés, fut entreprise dans un effort pour maintenir la croissance économique.

La « banane bleue »

À la fin des années 80, une nouvelle géographie urbaine avait fait son apparition dans une Europe de l’Ouest émergeant de la crise de la désindustrialisation, les nouveaux axes d’activités étant les systèmes de fabrication avancés et les services tertiaires. Londres et Paris dominaient dans le nouveau modèle transnational ; les villes qui réussissaient le mieux étaient situées sur la dorsale s’étendant de Manchester à Milan, plus connue sous le nom de « banane bleue ».

>@EIB

Le cœur de l’arc incorporait de nombreuses villes européennes telles que Rotterdam, Stuttgart et Turin, qui avaient en partie résisté à la pression de la désindustrialisation et opté pour le développement d’industries manufacturières hautement spécialisées et innovantes, marquées par une intensité de capital de plus en plus forte. Une importante évaluation du dynamisme des villes européennes, réalisée en 1989, concluait que huit des dix plus grandes villes de l’époque étaient situées dans cet arc, parmi lesquelles Venise, Bonn, Strasbourg et Düsseldorf. [48]

Aujourd’hui, la « banane bleue » existe toujours, mais d’autres villes réussissent. Berlin, Stockholm et Cambridge font mieux qu’Amsterdam, Birmingham et Milan en affûtant leur spécialisation mondiale dans des secteurs à forte croissance tels que ceux du numérique et de la création, des biotechnologies et de l’économie à faible intensité de carbone. [49]

L’évolution vers le polycentrisme et de nouvelles façons de conceptualiser l’Europe

Au milieu des années 90, les avantages que cumulaient les cités de la « banane bleue » avaient commencé à susciter une hausse des prix. Cela a permis à d’autres villes, plus éloignées, d’entrer dans la compétition avec elles. La cherté des loyers, ainsi que le vieillissement des populations, la congestion, la pollution et la dégradation de l’habitabilité conduisirent à l’émergence d’un réseau européen de villes plus étendu. Éperonnée par des programmes de revitalisation et le développement de l’économie créative, la croissance commença à s’étendre, au-delà de l’arc, à des villes tournées vers la modernité, l’entrepreneuriat et la jeunesse, telles que Barcelone, Dublin, Glasgow et Varsovie. [50] Nombre de ces agglomérations commencèrent en conséquence à sortir des hiérarchies nationales et à créer leur propre trajectoire de développement international et leur propre identité. Avec l’intégration européenne avançant à vive allure, les fondations étaient en place pour l’émergence d’un nouveau réseau continental de villes dans lequel chaque ville avait sa propre spécialisation à l’échelle du continent.

Cette mutation mena en fin de compte à l’apparition de nouvelles façons d’établir la typologie des villes d’Europe, dont beaucoup se concentraient sur des alliances transfrontalières. Certains cadres commencèrent à mettre en lumière le rôle central du réseau de grandes villes de l’Europe du Nord-Ouest, parmi lesquelles Amsterdam et Bruxelles. D’autres se concentrèrent sur les économies émergentes d’Europe centrale, dans des villes comme Berlin, Budapest, Prague, Vienne et Varsovie. Il était de plus en plus reconnu que des investissements étaient nécessaires pour équiper les villes européennes dans la perspective de leur nouvel avenir. Il y avait urgence, d’autant plus que cet avenir se faisait de plus en plus incertain en conséquence de l’intégration toujours plus profonde.

>@Tentec
© Tentec

Graphique 21 – Les neuf corridors du réseau central du RTE-T

D’autres façons de conceptualiser la géographie macro-urbaine de l’Europe se firent jour vers cette époque également. L’initiative relative aux réseaux transeuropéens de transport (RTE-T), lancée dans les années 90, établit une structure à deux niveaux pour les liaisons de transport de l’UE, avec un réseau global et un réseau central. Le réseau central comprend les parties du réseau global qui revêtent la plus haute importance stratégique pour les flux de transport tant européens que mondiaux ; il est complété par un réseau global qui, à l’horizon 2050, couvrira l’ensemble de l’UE et donnera accès à toutes les régions (graphique 21). [51] Une fois achevé, le nouveau réseau aura de profondes implications pour l’accessibilité des villes européennes, en particulier en Europe centrale et orientale (graphique 22).

>@European Commission
© European Commission

Graphique 22 – Modification de l’accessibilité routière attendue du RTE-T à son achèvement, par aire urbaine fonctionnelle

Les années 2000 : élargissement de l’UE et nouveaux groupements de villes

Vers le milieu des années 2000, la croissance continue de l’économie de l’innovation et de la création avait donné lieu à l’apparition de plusieurs catégories nouvelles de grandes villes européennes tournées vers l’international. Parallèlement, les élargissements de 2004 et de 2007 représentaient le point culminant de l’intégration européenne, élément clé dans l’apparition d’un réseau de villes réellement européen.  La libre circulation de la main-d’œuvre et des personnes a amplifié une nouvelle dynamique d’urbanisation, secondée par le programme Erasmus et d’autres échanges de savoir, permettant aux gens de se déplacer d’une ville à l’autre et encourageant un système ouvert de capitaux, de marchandises, de travail et de personnes.

L’élargissement de l’UE a également créé l’impulsion pour le développement de nouveaux groupements de villes. Soutenues par l’UE et par d’autres organismes étrangers, des initiatives de groupement ont vu le jour dans beaucoup de pays nouveaux adhérents à l’UE. L’exemple le plus notable est la Slovénie, pays qui a suscité un vif intérêt de part et d’autre pour son programme de « grappes » et le rôle important joué par ces dernières dans l’impressionnante performance économique du pays ces derniers temps. [52]

D’autres exemples peuvent être signalés, tels :

  • Sofia, classée 21e des places névralgiques pour les nouvelles industries en Europe ;
  • Vilnius, désignée huitième agglomération d’Europe pour la présence de « gazelles » ;
  • Riga, deuxième après Londres au classement des meilleurs pôles logistiques européens . [53]

Enfin, la stratégie récente au niveau européen a conféré un regain d’importance aux nouvelles « grappes » de villes formées, en particulier, autour du Danube, de la mer Baltique et des Alpes. Ces nouvelles agglomérations de villes ont été stimulées principalement par les stratégies de la Commission européenne visant explicitement à augmenter la compétitivité économique des régions concernées.

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4.         Comment le réseau de villes a évolué – Adaptation et investissements dans les villes européennes

4.1          Cycles de développement et d’investissement dans les villes d’Europe

Tout cela soulève deux grandes questions :

  • Comment les villes européennes ont-elles réussi à rebondir après leur déclin démographique et économique ?
  • Qu’est-ce qui leur a permis de sortir des hiérarchies nationales et de se réorganiser dans un nouveau système fondé sur des groupements et des flux concentrés ?

La réponse à ces questions, pour partie du moins, réside dans l’investissement. Les villes européennes ont d’abord utilisé les investissements pour encourager la croissance et inverser le mouvement de déclin des centres-villes. Par la suite, les investissements furent orientés vers les spécialisations régionales et les nouvelles industries telles que les technologies et l’innovation. Le système actuel est l’héritier de ces tendances. 

Le premier cycle de l’investissement urbain en Europe : des années 80 aux années 2000

À partir des années 80, les villes ont investi dans de grands projets de revitalisation afin d’encourager le développement de leurs centres. Dans beaucoup de cas, elles ont exploité leur immense capital d’actifs publics délabrés, tels que mairies, bibliothèques, universités, parcs et squares, pour réhabiliter leur patrimoine et leur culture . [54]

Elles se mirent à restaurer d’anciens bâtiments administratifs, à réaménager des propriétés industrielles et à créer des zones piétonnières très fréquentées. Les villes soutinrent aussi activement le démarrage de nouvelles entreprises du secteur tertiaire en fournissant des lieux pour des incubateurs et en réaffectant d’anciens sites à l’abandon. Cela eut pour effet de créer un nouveau climat économique propice au secteur privé et créateur d’emplois. En conséquence, l’environnement physique s’améliora et les résidents revinrent en centre-ville, mettant un terme à des décennies de déclin. [55]

Le rôle de l’État était essentiel : il devait donner l’exemple et procurer le soutien financier à la transformation des actifs physiques, ainsi que les ressources pour porter les programmes de réhabilitation à grande échelle. [56] Cependant, une des principales causes de réussite de la revitalisation urbaine est qu’elle a fait entrer dans les administrations locales des talents venus du secteur privé qui ont permis que ces investissements se concrétisent. [57] Sans l’apport du secteur privé, nombre des transformations urbaines emblématiques des années 80 et 90 – Barcelone, les Docklands à Londres ou encore le quartier d’affaires du centre de Manchester – n’auraient pas été possibles.

Les villes ont également investi massivement dans les infrastructures de transport. Avec des améliorations retentissantes des réseaux de transports publics, il s’agissait de contrer l’omniprésence de l’automobile et la poursuite du « goudronnage » effréné. Le but était aussi de désenclaver de nouveaux quartiers, d’accroître la productivité et d’améliorer la qualité de l’air. Durant les dernières décennies, les villes européennes ont investi principalement pour améliorer la coordination des services de transport public. Le premier réseau de transport public entièrement intégré fut le Verkehrsverbund de Hambourg, créé en 1967. Entre 1970 et 2000, la plupart des grandes villes se sont dotées de réseaux similaires, proposant desserte coordonnée et tarifs intégrés. [58]

Cependant, les villes ont aussi investi dans la modernisation et l’extension de leurs transports publics. Le matériel roulant a été presqu’entièrement remplacé et l’infrastructure ferroviaire a été étendue et modernisée, avec la création de gares, la mise en place de nouvelles voies et le remplacement des systèmes de guidage. L’amélioration quantitative et qualitative des services de transport public et la pratique de tarifs bas sont à l’origine d’un accroissement considérable de l’usage des transports en commun dans les villes européennes au cours des dernières décennies, en particulier dans l’ouest de l’UE : +39 % de voyageurs-kilomètres pour le métro et le tram, +38 % pour le train et +11 % pour le bus. [59]

Le deuxième cycle de l’investissement urbain européen : après les années 2000

Depuis les années 2000, les villes investissent également dans les technologies et l’innovation pour affûter leur compétitivité. L’un des objectifs thématiques de la politique de cohésion de l’UE pour la période de 2014 à 2020 est d’améliorer l’accessibilité, l’utilisation et la qualité des technologies de l’information et de la communication (TIC) par le développement de produits et de services et le renforcement des applications dans ce domaine. L’actuel plan d’action de l’UE pour l’administration en ligne (2016-2020) prévoit des mesures concrètes pour accélérer l’application de la législation existante et l’assimilation connexe des services en ligne. [60]

Les investissements sont aussi de plus en plus axés sur les problématiques de l’action pour le climat et de la protection de l’environnement. Pendant des décennies, les villes ont été assimilées à des sources de nuisances écologiques et les politiques de la ville dans toute l’Europe visaient principalement les problèmes de pauvreté, de délinquance et de dégradation urbaine. Depuis peu, les changements climatiques et l’environnement occupent les premières places dans l’ordre du jour des politiques urbaines, les États européens ayant commencé à fixer des objectifs plus stricts et plus ambitieux. La COP21 a été une étape majeure en démontrant la reconnaissance générale des villes en tant que solutions pour la planète. [61]

Au cours des dix dernières années, les villes en sont venues à occuper un rôle central dans la réponse planétaire aux changements climatiques. Plusieurs d’entre elles, en misant sur leur savoir-faire dans l’industrie et l’ingénierie, sont devenues des pionnières des nouveaux secteurs de l’environnement. Beaucoup de villes, dont Stockholm, Berlin et Londres, ont aussi commencé à désaccoupler la prospérité économique et la consommation croissante de ressources, intégrant ce qui est de plus en plus considéré comme une composante fondamentale de l’avenir durable des villes européennes. [62]

La Commission européenne est particulièrement désireuse de mettre en place les réformes nécessaires pour inciter le secteur financier à contribuer à cette « transition verte ». Le Plan d’investissement pour l’Europe – ou « plan Juncker » – a déjà généré plus de 250 milliards d’euros d’investissements et a mobilisé plusieurs autres sources de financements européens, notamment les Fonds structurels, à l’appui de nombreux projets dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de l’économie circulaire. [63]

4.2          Le financement des grandes villes européennes

Origine des financements

Les États tout autant que les villes ont un rôle important à jouer. D’une part parce qu’attirer les investissements en capitaux extérieurs n’est pas encore une mission centrale pour toutes les municipalités qui, de toute façon, ne disposent pas de l’ensemble des compétences, des moyens et des capacités nécessaires à toutes les tâches d’une telle mission. En Europe, les municipalités n’ont généralement pas le même degré d’autonomie budgétaire et financière que leurs homologues d’Amérique du Nord. Même les grandes villes des systèmes les plus décentralisés n’ont pas la capacité de satisfaire seules à tous leurs besoins d’investissement. [64] D’autre part, les autorités nationales doivent respecter des engagements extérieurs en matière de discipline budgétaire (tels que le pacte de stabilité et les critères de Maastricht pour ceux qui participent à la zone euro), qui font qu’ils ne peuvent pas aisément augmenter le rythme des investissements publics en creusant la dette publique.

En Europe, pour financer les investissements en infrastructures, les municipalités recourent principalement à leurs propres ressources, qui représentent 50 % du financement. Suivent les transferts de l’État et des collectivités locales (23 %), les financements externes tels que les prêts bancaires (18 %) et les financements de l’UE, dont les Fonds structurels (8 %). [65]

Tendances de l’investissement dans les villes européennes

Il est de plus en plus admis que les objectifs stratégiques de l’UE ne pourront être atteints que si les villes d’Europe participent pleinement à la réalisation de leur propre réussite à long terme. Cela nécessite de satisfaire à certaines exigences de développement et d’investissement. Cet impératif produit une tendance notable à la généralisation du recours au secteur privé dans les investissements.

Dans la plupart des cas d’investissements urbains réussis de ces cinquante dernières années, les capitaux publics et privés ont eu des rôles complémentaires. Le constat s’est peu à peu imposé que les investissements privés sont indispensables pour combler le déficit numérique du financement, ainsi que pour apporter la discipline du marché à l’activité d’investissement, rehausser la qualité des éléments livrables et convaincre le maximum d’investisseurs de l’attractivité de la ville pour les investissements. [66]

L’« écart d’investissement »

Au cours des cinq dernières années, 42 % des villes de l’UE ont fait état d’une hausse de leur activité d’investissement. [67] Cependant, même si les villes attirent effectivement les investissements – et d’une manière qui génère des taux de rentabilité interne et externe raisonnables – cela ne signifie pas que toutes les villes européennes reçoivent le volume d’investissements dont elles ont besoin ou dont elles aimeraient disposer. Et de fait, il demeure un « écart d’investissement » dans les villes partout en Europe.

Cet écart, toutefois, est plus qu’un simple déficit de capitaux. Il est aussi :

  • un écart de cadre institutionnel – la rentabilité des investissements publics est attendue à des horizons proches, ce qui donne lieu à des périodes d’amortissement plus courtes qui ne sont pas toujours réalistes et ne fournissent pas la bonne incitation pour un investissement public de grande ampleur ;
  • un écart de collaboration – le manque de coordination entre différents organismes publics dans la même ville, ainsi que le fait que les PPP et d’autres méthodes d’exécution des investissements n’ont pas encore évolué au point d’être applicables en toute occasion ou d’inspirer une confiance universelle ;
  • un écart de connaissances – le manque de connaissances, parmi les acteurs publics et privés, sur le travail des uns et des autres et ce qui est indispensable pour une collaboration efficace, ainsi que des écarts d’information sur les possibilités d’investissement existantes. [68]

Nouvelles orientations de l’investissement dans les villes européennes

Pour tenter de surmonter cet écart d’investissement, on a proposé plusieurs nouvelles stratégies visant à améliorer l’assise capitalistique. Au cours des dix dernières années en particulier, le moyen qui a connu un regain de faveur a été d’accroître les flux d’investissement. Plusieurs innovations cruciales ressortent.

Premièrement, la bancabilité est devenue un plus grand enjeu. Des établissements aident les villes à améliorer leur bancabilité en leur permettant de mettre au point des systèmes avancés de gestion des actifs et de finance d’entreprise. Pour une part, cela s’appuie sur la reconnaissance de ce que toutes les villes n’ont pas le même type d’écart d’investissement et demandent donc des stratégies différentes. À mesure que le réseau européen de villes se différenciait, il apparaissait que différentes sortes de villes avaient des parcours distincts et que les investissements requis devaient appuyer des besoins différents. Les villes qui sont des pôles de connaissances, par exemple, ont un type d’écart d’investissement différent de celui des villes qui sont des centres de recherche ; il leur faut donc des stratégies d’investissement différentes. [69]

Le souci est aussi d’aider les villes à concevoir des stratégies budgétaires saines, étant donné qu’il s’agit de la première étape dans la construction des fondements nécessaires à l’établissement d’un profil sérieux susceptible d’engendrer la confiance parmi les bailleurs de fonds.

Deuxièmement, des formes différentes de prêt ont fait leur apparition. À côté des prêts bancaires classiques, les dispositifs de financement structuré à plus long terme, tels que le financement obligataire, gagnent rapidement en popularité. Ces innovations ont vu le jour grâce à de nouveaux instruments et outils de prêt tels que les prêts renouvelables, et à de nouvelles garanties et incitations, de plus en plus utilisées pour abaisser le risque de l’investissement privé.

4.3          Le rôle de la BEI

La Banque européenne d’investissement a été fondamentale dans la promotion de la cause de l’investissement urbain en Europe. Sa contribution majeure a été de rendre le financement à long terme disponible pour des investissements bien conçus. La BEI emprunte d’importants volumes de fonds sur les marchés des capitaux et les prête à des conditions favorables pour soutenir des projets qui concourent à la réalisation des objectifs stratégiques de l’UE. [70] Sur les 50 à 70 milliards d’euros au total que la Banque prête chaque année, plus de 10 % sont affectés spécifiquement à des projets urbains, tandis que les investissements indirects dans le secteur urbain représentent plus de 40 % de son portefeuille global. [71]

Cependant, la BEI a aussi été cruciale dans l’amélioration du profil des investissements, par d’autres moyens. Elle a ouvert la voie avec la mise au point de nouveaux outils de financement, comme le prêt-cadre, qui, dès son apparition dans les années 90, est vite devenu l’instrument de financement incontournable de l’aménagement urbain intégré. Le prêt-cadre est principalement une ligne de crédit accordée à une collectivité territoriale pour soutenir le financement de projets admissibles figurant à son programme d’investissements. Son pouvoir de transformation, pour ce qui est de l’aménagement urbain en Europe, réside dans sa capacité à couvrir un portefeuille de projets dans des secteurs multiples, à permettre à une ville ou à une région de gérer l’affectation et le décaissement de fonds et à combiner financements publics nationaux et régionaux et prêts pour surmonter l’obstacle de la taille du projet. [72]

Enfin, la BEI a largement contribué au développement de nouveaux instruments financiers et outils de conseil. Dans une initiative conjointe avec la Commission européenne, la BEI a lancé, récemment, URBIS (URBan Investment Support), un nouveau service de conseil pour aider les villes à planifier et mettre en œuvre leurs stratégies d’investissement. L’initiative, qui dans les faits est un service de conseil destiné aux villes, permet à ces dernières de bénéficier d’un point d’entrée d’accès aisé et d’accéder à l’intégralité des moyens de conseils techniques et financiers de la BEI. Elle a aussi adopté la facilité d’investissement intitulée « Un financement intelligent pour des bâtiments intelligents », un nouvel instrument qui permettra d’attirer les investissements privés dans les projets d’efficacité énergétique des bâtiments et de multiplier ainsi l’effet des fonds européens investis, grâce à un mécanisme par lequel des subventions de l’UE serviront de garantie pour ces projets. [73]

Le dernier article de notre série sera consacré au rôle de la BEI dans ses détails ; ce rôle sera illustré par le récit de la démarche entreprise par la Banque pour répondre aux impératifs d’investissement de l’intégration européenne et modeler les systèmes financiers qui la soutiennent. Avant cela toutefois, une série de dix articles reviendra sur les expériences d’une sélection de villes d’Europe en matière d’aménagement urbain.

Les observations, interprétations et conclusions exposées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la Banque européenne d’investissement.

À propos des auteurs

Greg Clark est professeur honoraire au University College London et président de The Business of Cities, une société spécialisée dans l’intelligence urbaine qui intervient chaque année dans plus de cent villes à l'échelle mondiale. Greg Clark guide la réflexion au sein de la Brookings Institution, de l’Urban Land Institute et du Cities Research Centre de JLL, et il est membre du conseil d'administration de Transport for London et de London Enterprise Partnership (LEP). Il est également l'auteur de dix livres, dont Global Cities: A Short History (Brookings Institution Press) et London 1991–2021, The Making of a World City. Titulaire d'un doctorat de l’université de Bristol, Tim Moonen est responsable de la gestion stratégique des projets de recherche et de conseil menés par The Business of Cities. Il a collaboré à la rédaction de plus de cinquante rapports, livres et chapitres d’ouvrages sur la compétitivité, la gouvernance et la performance des villes mondiales. Jake Nunley est chercheur principal auprès de The Business of Cities. Il a étudié à l’université de Cambridge et à l’université de Harvard.

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T. Moonen, J. Nunley et G. Clark (de gauche à droite)

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Références

[1] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[2] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[3] www.ined.fr/fichier/s_rubrique/209/pop_e_66.2011.1_avdeev.en.pdf

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] http://sticerd.lse.ac.uk/dps/case/cr/CASEreport49.pdf

[9] Ibid.

[10] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[11] Ibid.

[12] http://sticerd.lse.ac.uk/dps/case/cr/CASEreport49.pdf

[13] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/urban/state_exec_en.pdf

[14] Ibid.

[15] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[16] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[17] Ibid.

[18] https://en.wikipedia.org/wiki/Deindustrialisation_by_country#Soviet_Union

[19] http://ieg-ego.eu/en/threads/europe-on-the-road/the-history-of-tourism

[20] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52015SC0261&from=EN

[21] http://ieg-ego.eu/en/threads/europe-on-the-road/the-history-of-tourism

[22] www.theguardian.com/travel/2009/sep/20/city-break-rail-zurich

[23] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52015SC0261&from=EN

[24] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[25] Ibid.

[26] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[27] Ibid.

[28] Ibid.

[29] sticerd.lse.ac.uk/dps/case/cr/CASEreport49.pdf

[30] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[31] www.jrf.org.uk/report/regeneration-european-cities-making-connections

[32] http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Closing-the-Investment-Gap-in-Europes-Cities-Updated-Launch-Report.pdf

[33] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[34] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[35] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[36] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[37] Ibid.

[38] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[39] www.nytimes.com/2007/03/25/books/chapters/0325-1st-eich.html

[40] https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/9098/WDR2009_0006.pdf?sequence=1

[41] www.nytimes.com/2007/03/25/books/chapters/0325-1st-eich.html

[42] Ibid.

[43] https://www.britannica.com/place/Italy/Demographic-trends

[44] www.newstatesman.com/culture/culture/2013/01/meeting-our-makers-britain%E2%80%99s-long-industrial-decline

[45] www.geographie.uni-wuppertal.de/uploads/media/Metropolis_Ruhr-1_02.pdf

[46] www.nytimes.com/2007/03/25/books/chapters/0325-1st-eich.html

[47] https://en.wikipedia.org/wiki/Rhine-Ruhr

[48] www.centreforlondon.org/wp-content/uploads/2016/08/Europes-Cities-in-a-Global-Economy-Clark-Moonen-Oct-2013.pdf

[49] Ibid.

[50] Ibid.

[51] www.europarl.europa.eu/atyourservice/en/displayFtu.html?ftuId=FTU_3.5.1.html

[52] www.hbs.edu/faculty/Publication%20Files/Ketels_European_Clusters_2004_b69f9f19-35c6-4626-b8c2-84c6cbcf1459.pdf

[53] www.iapmei.pt/getattachment/PRODUTOS-E-SERVICOS/Empreendedorismo-Inovacao/Eficiencia-Coletiva-e-Clusters/EuropeanClusterPanorama2016.pdf.aspx?lang=pt-PT

[54] http://sticerd.lse.ac.uk/dps/case/cr/CASEreport49.pdf

[55] Ibid.

[56] Ibid.

[57] http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Closing-the-Investment-Gap-in-Europes-Cities-Updated-Launch-Report.pdf

[58] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[59] Ibid.

[60] www.espon.eu/sites/default/files/attachments/ESPON%20Policy%20Brief%20on%20Digital%20Transition.pdf

[61] http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_en.pdf

[62] https://lsecities.net/media/objects/articles/european-cities-de-couple-economic-growth-from-environmental-impact/en-gb/

[63] https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/one-planet-summit-ten-initiatives-modern-clean-economy_en.pdf

[64] http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Closing-the-Investment-Gap-in-Europes-Cities-Updated-Launch-Report.pdf

[65] www.eib.org/attachments/efs/eibis_2017_municipality_eu_overview_en.pdf

[66] http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Closing-the-Investment-Gap-in-Europes-Cities-Updated-Launch-Report.pdf

[67] www.eib.org/attachments/efs/eibis_2017_municipality_eu_overview_en.pdf

[68] http://uli.org/wp-content/uploads/ULI-Documents/Closing-the-Investment-Gap-in-Europes-Cities-Updated-Launch-Report.pdf

[69] Ibid.

[70] Ibid.

[71] futurecities.catapult.org.uk/resource/urban-innovation-and-investment-full-report/

[72] Ibid.

[73] https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/one-planet-summit-ten-initiatives-modern-clean-economy_en.pdf