« Tout commence par la capacité à constituer une solide réserve de projets. »
« Nous savons comment faire. »
En ce qui concerne le déploiement de l’énergie éolienne, la bonne nouvelle est que « nous savons comment faire », indique Henrik Stiesdal. « Il existe une véritable recette du succès, et c’est grâce à cette recette que l’énergie éolienne danoise est parvenue à dominer le monde. »
Henrik Stiesdal, qui dirige aujourd’hui une société de développement des énergies vertes, évoque plusieurs mesures qui ont fait du Danemark un chef de file du secteur de l’énergie éolienne. Parmi celles-ci, on citera les décisions de l’État de déterminer un prix fixe pour l’électricité d’origine éolienne et d’accorder des subventions pour encourager l’investissement.
« L’État a créé un marché, et une fois qu’il y a un marché, l’offre et la concurrence suivent d’elles-mêmes », explique Henrik Stiesdal.
Henrik Stiesdal a vendu la licence pour la conception commerciale d’éoliennes en 1979 à Vestas, dont les activités étaient à l’époque axées sur les véhicules agricoles, les grues et les refroidisseurs de lait. Cette vente a servi de rampe de lancement pour l’industrie éolienne d’aujourd’hui et a fait du Danemark une puissance éolienne. Aujourd’hui, le pays tire 60 % de son électricité de l’éolien.
L’essor du secteur éolien au Danemark s’explique également par la souplesse de la législation danoise et des objectifs clairs du pays en matière de développement de l’énergie éolienne, ainsi que par de meilleures politiques d’aménagement du territoire, d’octroi de permis et de planification des réseaux.
Henrik Stiesdal estime qu’environ 1 100 gigawatts d’électricité d’origine éolienne sont aujourd’hui produits dans le monde, dont un quart provient d’éoliennes fabriquées au Danemark ou de fournisseurs danois opérant dans d’autres parties du monde.
Changer la donne en Méditerranée
En Méditerranée, l’installation de parcs éoliens est plus complexe, car les eaux proches du littoral sont plus profondes qu’en mer du Nord ou en mer Baltique. Ces eaux profondes rendent difficile l’ancrage des éoliennes dans les fonds marins, ce qui explique en partie le développement de parcs éoliens flottants.
« Si vous parvenez à développer l’éolien marin en Méditerranée, cela change la donne », affirme Alessandro Boschi, chef de la division Énergies renouvelables à la Banque européenne d’investissement.
Selon Alessandro Boschi, produire de l’énergie éolienne en Méditerranée pourrait permettre de fournir de l’électricité moins chère aux nombreux pays européens riverains, comme son pays d’origine, l’Italie, où il n’y a pas beaucoup de place pour construire des parcs éoliens terrestres. « L’Italie connaît de nombreuses contraintes paysagères, du fait de l’étendue de ses régions montagneuses et de ses zones habitées », précise Alessandro Boschi. « Cela limite le nombre d’installations d’énergie renouvelable pouvant effectivement être construites à terre. »
L’installation de parcs éoliens au milieu de la mer permettrait d’éviter ces contraintes. « Et si les éoliennes sont installées assez loin de la côte, elles sont visuellement acceptables pour les habitants. »
Éolien flottant
Quel que soit le secteur, il est difficile de trouver des investisseurs disposés à soutenir les entreprises pionnières. La Banque européenne d’investissement a prêté 60 millions d’euros pour la réalisation du premier parc éolien flottant commercial d’Europe, en 2018. Situé à 20 kilomètres au large de Viana do Castelo, dans le nord du Portugal, ce parc éolien compte trois éoliennes dotées de pales de 80 mètres qui se dressent à 210 mètres au-dessus du niveau de l’eau, soit plus haut qu’un gratte-ciel de 60 étages. Ce sont les plus grandes éoliennes jamais installées sur des plateformes flottantes.
« Je pense que ce parc est vraiment innovant et qu’il ouvrira la voie au développement de l’éolien flottant », déclare Figaredo Inocencio, chargé de prêts à la Banque européenne d’investissement qui travaille sur des projets éoliens.
WindFloat Atlantic, une coentreprise d’Ocean Winds, Repsol et Principle Power, exploite ce site qui fournit de l’électricité propre à plus de 25 000 ménages par an.
Avantages de l’éolien flottant
« Les parcs éoliens flottants présentent de nombreux avantages », souligne José Pinheiro, directeur de projet pour le parc éolien flottant WindFloat Atlantic. En mer, les courants d’air ne rencontrent pas d’obstacles, tels que des montagnes ou des vallées, de sorte que le vent souffle uniformément, sans creux ni pics pouvant présenter des contraintes pour les installations.
José Pinheiro voit l’avenir de l’énergie éolienne dans les parcs éoliens en mer. « Il est très urgent aujourd’hui de trouver de nouveaux moyens de capter l’énergie éolienne en raison de la nécessité de la transition climatique », affirme-t-il. « Avec les compétences que nous avons accumulées, nous comptons franchir de nouvelles étapes majeures dans le domaine de l’éolien flottant. »
Les parcs éoliens flottants ont fait leurs preuves et résisté aux fortes tempêtes. « En 2023, le parc éolien a connu quelques-unes des plus grandes tempêtes de son histoire, avec des vagues de plus de 20 mètres et des vents extrêmement forts », raconte José Pinheiro, également directeur pays pour l’Europe du Sud chez Ocean Winds, l’entreprise d’éolien en mer qui a été créée par EDP Renewables et ENGIE et qui est le développeur, l’exploitant et l’actionnaire majoritaire de WindFloat Atlantic.
« Les vents extrêmes constituent un défi pour les concepteurs d’éoliennes », explique-t-il. « Les ingénieur(e)s ont dû concevoir des systèmes qui produisent de l’énergie à partir de vitesses de vent relativement faibles, mais qui sont également capables de résister à des vents extrêmement forts. »
« Jusqu’à présent, nous n’avons rencontré aucun problème en ce qui concerne la disponibilité des éoliennes et nous n’avons pas eu à les arrêter », indique José Pinheiro. Le succès du projet ouvre la possibilité d’installer des éoliennes flottantes dans un grand nombre de pays où les zones côtières rendent difficile l’ancrage des éoliennes dans les fonds marins.
WindFloat Atlantic teste actuellement des technologies qui pourraient soutenir encore davantage le développement de l’énergie éolienne. Il s’agit notamment de drones télécommandés utilisés pour la maintenance et les essais sur les éoliennes, et de caméras basées sur l’intelligence artificielle qui pourraient détecter les problèmes de sécurité sur site.
- En savoir plus sur le premier parc éolien flottant en Europe
Une plaque tournante pour l’énergie éolienne
Un bon exemple d’aménagement portuaire est un projet récemment mis en œuvre dans le sud de la France, près de Montpellier. Traditionnellement, Port-La Nouvelle gérait les exportations de céréales et d’autres produits agricoles vers l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, la région investit 340 millions d’euros, dont 150 millions d’euros sont fournis par la Banque européenne d’investissement, pour rénover les ports de Sète et de Port-La Nouvelle.
Les plans prévoient la mutation de Port-la-Nouvelle en un cœur névralgique méditerranéen pour la construction, la logistique et la maintenance des parcs éoliens flottants. Cette plaque tournante produira également à terme de l’hydrogène vert à partir de l’énergie propre générée par les parcs éoliens.
Port-la-Nouvelle se trouve à moins de 20 kilomètres des parcs éoliens en mer exploités par Les Éoliennes Flottantes du Golfe du Lion (également un projet d’Ocean Winds) et EolMed, deux entreprises soutenues par la Banque européenne d’investissement. L’emplacement joue un rôle important en matière d’infrastructures pour les parcs éoliens en mer, en particulier les modèles flottants. La distance relativement courte entre le port et les parcs éoliens réduit les risques liés au transport maritime de ces énormes structures.
Plus grand, c’est mieux
L’énergie éolienne est exploitée depuis des millénaires (même si elle a davantage été utilisée pour moudre le blé que pour produire de l’électricité). Au cours des dernières années, les technologies relatives à l’éolien terrestre et marin ont considérablement évolué pour maximiser la production d’électricité. Voici quelques-unes des innovations récentes les plus importantes :
- des pales plus longues pour capter plus de vent ;
- des tours plus hautes pour capter des vents plus forts ;
- des rotors plus grands pour produire plus d’énergie ;
- des commandes qui orientent les éoliennes en fonction de la direction du vent.
Si la taille des éoliennes continue de croître au même rythme que les 15 dernières années, elles pourraient atteindre une puissance 30 mégawatts d’ici 2035, contre 15 mégawatts au maximum aujourd’hui. Cependant, la conception d’éoliennes plus grandes est techniquement difficile. Il ne s’agit pas simplement de construire des tours plus grandes ou des pales plus longues. L’ingénierie doit suivre pour que les éoliennes puissent fonctionner dans des environnements hostiles sur terre ou en mer.
Les ingénieur(e)s en sont également aux premiers stades de la création d’éoliennes aéroportées, qui utilisent soit un gaz comme l’hélium, soit leur propre aérodynamisme pour flotter à haute altitude, là où le vent souffle plus fort. Les éoliennes aéroportées convertissent l’énergie éolienne en électricité grâce à des cerfs-volants autonomes, des drones ou des avions sans pilote reliés au sol.
Ces systèmes sont conçus pour une utilisation en mer, où l’installation d’éoliennes conventionnelles sur de hautes tours est coûteuse et difficile. « Ce concept n’en est qu’à ses débuts », confie Christos Smyrnakis de la Banque européenne d’investissement. « Mais il est tourné vers l’avenir et s’annonce prometteur. »
Tendances futures
Parmi les autres tendances futures de l’énergie éolienne, on peut citer :
- de nouveaux concepts d’éolien flottant qui protègent la vie marine et incluent des récifs artificiels ;
- des batteries intégrées dans les éoliennes ou le stockage par batteries en mer ;
- des éoliennes sans pales produisant de l’électricité à partir de la vibration du vent ;
- des éoliennes installées dans de grands bâtiments pour une meilleure intégration en milieu urbain.
Henrik Stiesdal, qui a maintenant 67 ans, veut continuer à innover dans l’éolien. Cinq décennies après avoir conçu ses premières éoliennes, il déborde toujours d’énergie et d’idées. Le grand défi maintenant, dit-il, est d’amener les développeurs éoliens à réduire davantage les coûts, ce qui permettrait un déploiement rapide de l’énergie éolienne.
L’énergie éolienne peut et doit être utilisée pour couvrir la plupart de nos besoins énergétiques.
« Nous avons besoin de plus d’énergie éolienne, et tout de suite », déclare Henrik Stiesdal. « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre les changements climatiques. »