« Je voulais faire quelque chose qui pourrait tout changer. »
Nous sommes en 2007. L’énergie solaire gagne rapidement du terrain, mais elle n’est pas rentable. L’avenir du secteur est incertain. C’est alors que Dario Lopez, ingénieur industriel de 30 ans, saute le pas.
« J’étudiais à Madrid dans le cadre d’un MBA et je travaillais dans le secteur automobile », se souvient-il. « Un élève de ma classe avait un projet dans le domaine de l’industrie solaire et voulait que je le suive dans cette aventure. Je lui ai donc dit : “Allons-y”. »
Il l’a rejoint au sein de Solaria, l’entreprise récemment fondée par sa famille. Aujourd’hui, 17 ans plus tard, il en est le directeur général et supervise 250 employés. Solaria est l’un des plus grands producteurs d’énergie solaire en Europe. « Je ne regrette absolument pas d’avoir quitté l’industrie automobile », ajoute-t-il. « Je voulais faire quelque chose qui puisse changer mon pays, la planète et tout le reste. »
L’énergie solaire peut, en effet, tout changer – la planète, les changements climatiques, l’histoire de l’humanité – en mettant un terme à notre dépendance aux combustibles fossiles. Et si vous pensez que l’énergie solaire est déjà assez généralisée, préparez-vous à celle qu’elle occupe une place bien plus importante dans votre vie. D’ici 20 à 30 ans, on trouvera des panneaux solaires partout : sur les toits des maisons, des écoles et des bâtiments, sur les voitures, flottant sur des lacs, dans de grands parcs solaires sur les océans. Les panneaux solaires seront beaucoup plus efficaces et des cellules solaires seront intégrées aux surfaces des téléphones, des ordinateurs portables, des montres, des tablettes, des écouteurs et d’autres appareils. Nous les rechargerons en les plaçant sur une table pendant la journée. Les bâtiments seront recouverts de cellules solaires transparentes qui fourniront de l’énergie à des quartiers entiers.
Photovoltaïque, un mot sophistiqué pour parler de lumière et d’électricité
Les panneaux solaires modernes utilisés sur les toits des logements et dans les parcs solaires sont principalement photovoltaïques, ce qui signifie qu’ils convertissent la lumière en électricité. Les panneaux photovoltaïques ont commencé à être produits en grande quantité après les crises pétrolières des années 1970, qui ont conduit les pouvoirs publics et les entreprises à orienter davantage la recherche vers des sources d’énergie de substitution. Au début des années 2000, l’Allemagne et l’Espagne étaient d’ardentes partisanes des installations solaires et ont établi des prix fixes pour l’électricité produite à partir de l’énergie solaire. L’Espagne est aujourd’hui une cheffe de file mondiale des installations solaires. Le pays bénéficie également d’un ensoleillement supérieur à de nombreux autres endroits en Europe.
Voici comment les panneaux solaires produisent de l’électricité :
- Absorption de la lumière du soleil – Les panneaux solaires contiennent des cellules généralement fabriquées à partir de silicium qui absorbent la lumière. Lorsque la lumière du soleil atteint une cellule solaire, son énergie est absorbée par le silicium.
- Génération de courant – Une fois que l’énergie solaire atteint le silicium, les électrons sont libérés, ce qui leur permet de circuler et de générer un courant électrique.
- Accumulation d’électricité – Ce courant en circulation est recueilli par des connecteurs métalliques fixés à la cellule solaire.
- Conversion pour un usage domestique – L’électricité est produite en courant continu, qui diffère du courant alternatif couramment utilisé dans les logements. Pour que l’électricité des panneaux solaires puisse alimenter les appareils ménagers, on la fait passer par un onduleur, qui la convertit en courant alternatif.
Les panneaux actuellement commercialisés ont une efficacité allant de 18 % à 22 % environ, ce qui signifie qu’ils convertissent en électricité jusqu’à 22 % de la lumière solaire qui les atteint. Cette efficacité peut être améliorée grâce à des matériaux tels que le gallium, l’indium, l’arsenic ou l’antimoine, mais des panneaux incorporant ceux-ci sont beaucoup plus chers à fabriquer et surtout utilisés à des fins spécifiques, comme les satellites. Seules de légères augmentations de l’efficacité des panneaux solaires à base de silicium sont anticipées dans un proche avenir. Les panneaux solaires sur les toits des voitures ne sont pas près d’alimenter à eux seuls un véhicule classique.
« Nous n’observons que des gains d’efficacité progressifs et des innovations graduelles dans le secteur des panneaux solaires, car il est désormais mature, mais la production et l’installation connaissent une croissance rapide », explique Marc Dufour, ingénieur et spécialiste principal de l’énergie à la Banque européenne d’investissement.
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Mettre plus d’énergie dans les parcs
La Banque européenne d’investissement a modifié en profondeur son soutien à l’énergie solaire.
Il y a environ 20 ans, elle soutenait principalement l’« énergie solaire à concentration ». Ces types de panneaux solaires utilisent des miroirs pour concentrer les rayons du soleil sur un récepteur, réchauffer un liquide et créer de l’énergie. L’un des premiers grands projets solaires que la Banque a financés se situe près de Ouarzazate, dans le centre-sud du Maroc. Ce site, qui a bénéficié d’un ensemble de prêts de la Banque européenne d’investissement et de subventions de l’UE au cours de différentes phases lors de la dernière décennie, est l’un des plus grands au monde dans le domaine solaire, couvrant plus de 3 000 hectares. Une partie de la centrale utilise des panneaux solaires pour récupérer la chaleur, produire de la vapeur et faire tourner les turbines, tandis que d’autres parties utilisent des panneaux photovoltaïques qui convertissent directement le rayonnement du désert en électricité.
Les principaux investissements solaires de la Banque se concentrent aujourd’hui sur l’installation de panneaux photovoltaïques. En 2023, la Banque européenne d’investissement a investi 4,8 milliards d’euros dans des projets solaires photovoltaïques.
En toiture, pas sur des terres agricoles
Plus récemment, la Banque européenne d’investissement a accordé en 2023 un prêt de 200 millions d’euros à la société de logistique CTP pour recouvrir les toits de ses bâtiments au moyen de panneaux solaires.
Cette entreprise possède 11 millions de mètres carrés de toiture en Tchéquie, en Slovaquie, en Hongrie, en Roumanie et aux Pays-Bas. CTP espère générer une puissance allant jusqu’à 400 MWc d’ici à la fin de 2026. MWc est l’abréviation de « mégawatt-crête », une unité mesurant la puissance produite par l’ensoleillement. CTP estime qu’elle pourrait dégager jusqu’à 10 % de ses bénéfices grâce aux panneaux solaires si elle vendait l’électricité produite à partir des dispositifs installés sur le toit de toutes ses usines et centres de traitement des commandes.
« Les panneaux solaires en toiture n’utilisent pas de terres agricoles », explique David González García, ingénieur principal à la Banque européenne d’investissement. « Ce projet donne un nouvel usage à une chose qui était déjà utile. »
Pour ce qui est du volume, il est difficile de faire mieux que l’accord conclu en 2023 entre la Banque européenne d’investissement et Solaria, la société solaire espagnole, qui portait sur 1,7 milliard d’euros pour la construction de plus de 100 centrales solaires en Espagne, en Italie et au Portugal. Les centrales seront construites au cours des prochaines années et produiront environ 9,29 térawattheures par an.
Et même si les parcs de Solaria ne sont pas installés en toiture comme ceux de CTP, ils ne grignoteront pas des terres qui pourraient être utilisées à des fins agricoles. Solaria et d’autres entreprises chargées de l’installation mettent au point des parcs utilisant des systèmes de câblage et de montage discrets, installés à une distance suffisante du sol pour permettre au bétail de paître en toute sécurité. C’est important pour des pays comme l’Italie qui bénéficie d’un grand ensoleillement, mais dont les lois protègent les terres arables.
« Nous devons faire évoluer nos types d’installations solaires et nos sites pour continuer à nous développer », déclare Dario Lopez, directeur général de Solaria. « Nous avons remporté un franc succès en Espagne et au Portugal, mais nous devons trouver des moyens de conquérir de nouveaux marchés. Nous pensons que nous devons être présents en Europe, car elle a de grands objectifs en matière d’énergie verte. »
Walburga Hemetsberger, directrice de SolarPower Europe, encourage les développeurs à promouvoir l’agrivoltaïsme. Selon elle, si l’on transformait 1 % des terres arables en Europe en parcs solaires, cela permettrait de produire 900 gigawatts d’électricité, tout en laissant les agriculteurs utiliser ces mêmes terres. Les parcs solaires peuvent également protéger les cultures en les abritant du soleil, réduire l’évaporation de l’eau et fournir aux agriculteurs un revenu supplémentaire.
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Projets soutenus par la Banque européenne d’investissement en Europe dans le solaire
- Une giga-usine en Sicile fabriquera un produit qui capte la lumière du soleil des deux côtés des panneaux solaires
- Un investissement avec Iberdrola, l’une des plus grandes entreprises de services collectifs d’Europe, contribuera à la construction de 19 centrales solaires
- Un groupe de centrales solaires dans le sud de la Croatie aidera le pays à réduire ses émissions de 45 % d’ici à 2030
- Trois grands parcs solaires en Macédoine occidentale figurent parmi les plus grands projets solaires en Grèce
- 66 petites centrales solaires en Pologne fourniront de l’électricité à 19 000 foyers
L’avenir est dans l’énergie solaire flottante
Alors qu’à l’échelle mondiale la course est lancée pour réduire les émissions et atteindre des objectifs comme ceux du plan « neutralité carbone » de l’Union européenne à l’horizon 2050, les projets solaires photovoltaïques flottants apporteront une contribution importante, en particulier dans les pays ayant peu de terres disponibles et où les centrales solaires sont en concurrence avec les terres agricoles.
« Le développement des technologies flottantes ouvre la porte aux pays soumis à des contraintes foncières, leur permettant de renforcer leurs objectifs de durabilité », déclare Valentina Puccini, spécialiste principale dans le secteur de l’énergie à la Banque européenne d’investissement, qui a quitté un emploi dans le secteur du pétrole et du gaz, il y a près de 20 ans, pour travailler dans les énergies renouvelables. « Les parcs solaires flottants sont encore rares en Europe, mais nous commençons à voir apparaître des projets intéressants sur le continent. »
Les parcs solaires flottants reposent sur de grandes plateformes maintenues en place grâce à des câbles attachés au fond des mers, des lacs ou des réservoirs. Les panneaux sont recouverts d’une pellicule pour éviter la rouille.
Selon une étude de la revue scientifique Nature Sustainability, si l’on recouvrait de panneaux solaires 30 % de la surface des 115 000 réservoirs dans le monde, on pourrait générer 9 434 térawattheures d’électricité par an. C’est plus du triple de la production d’énergie de l’Union européenne.
Parmi les projets flottants que la Banque européenne d’investissement étudie figurent un aménagement portant sur des réservoirs artificiels en Macédoine du Nord et un grand parc solaire flottant dans le département de la Haute-Marne, dans la région Grand Est, en France. Le projet français fournira de l’électricité à environ 26 000 personnes.
- Voir un diaporama expliquant comment les parcs solaires flottants sont installés et maintenus en place